"L’approche moléculaire est essentielle pour répondre aux enjeux sociétaux"
Matthieu Sollogoub, professeur de chimie moléculaire, dirige l’Initiative pour les Sciences et l’ingénierie moléculaires (iSiM).
À noter : la journée inaugurale de l'iSiM aura lieu le 6 juillet - Inscription
L'Initiative expliquée en 2'40
rencontre avec Matthieu Sollogoub
Créée en 2019, l’Initiative pour les Sciences et l’ingénierie moléculaires réunit des laboratoires de l’Alliance Sorbonne Université d’horizons scientifiques différents. Leur point commun ? Utiliser les molécules pour répondre aux grands enjeux de société et de science fondamentale.
Comment s’est constituée l’initiative ?
Concrétisée en 2019, elle est née d'une réflexion qui a démarré il y a une dizaine d'années au sein du LabEx MiChem (Multi-scale Integrative Chemistry). Regroupant 14 laboratoires, ce LabEx avait pour objectif de décloisonner et faire travailler ensemble les sous-disciplines de la chimie (de synthèse, analytique et théorique) en s’intéressant aux différentes échelles de la matière. Aujourd’hui, nous voulons, avec l’initiative, étendre cette démarche à d’autres disciplines qui, comme nous, travaillent au niveau moléculaire.
Pourquoi s’intéresser à l’échelle moléculaire ?
De la physique à la biologie, beaucoup de disciplines scientifiques s’appuient sur les propriétés moléculaires pour analyser, comprendre, reproduire et manipuler la complexité de la matière. De l’atome au nano-objet, la molécule correspond à l’échelle élémentaire et structurante de la matière.
Cette approche moléculaire est donc l'outil de choix pour répondre à de nombreux enjeux sociétaux tels que la santé, l’énergie, l’environnement, l’information, mais aussi fondamentaux comme l’origine de la vie ou la vie artificielle.
Quel est l’objectif de cette initiative ?
Notre but est d’affirmer l’impact de la recherche de l’Alliance en renforçant les moyens autour de quelques projets fédérateurs impliquant des compétences multiples centrées sur les sciences et l’ingénierie moléculaires.
Au sein de la faculté des Sciences et Ingénierie et de la faculté de Médecine de Sorbonne Université, nous avons déjà identifié une vingtaine de laboratoires susceptibles d'être intéressés par cette démarche en biologie, géosciences, chimie, physique et médecine.
Quels sont ses enjeux en termes de recherche et de formation ?
Nous souhaitons avoir une approche multidisciplinaire autour de questions fondamentales ou appliquées telles que le biomimétisme, la photosynthèse artificielle, l’origine cosmique des briques moléculaires du vivant, la vie artificielle, le stockage et la transmission moléculaire et supramoléculaire de l’information, la modélisation théorique d’assemblages moléculaires complexes, les machines moléculaires, etc.
Cette année, l’initiative a financé quatre projets interdisciplinaires : deux en lien avec le domaine médical (l’un sur la recherche de médicaments, l’autre sur l’utilisation du biomimétisme pour mieux comprendre le fonctionnement des virus), et deux en astrochimie (l’un portant sur des anomalies de températures moléculaires dans le milieu interstellaire, l’autre sur l’origine des briques élémentaires du vivant).
Concernant la formation, nous avons commencé, au sein de l'initiative, à développer un partenariat entre le master de biologie et le master de chimie en identifiant plusieurs unités d’enseignement pouvant intéresser les deux disciplines. Nous souhaiterions élargir ce projet aux autres spécialités en créant des parcours mixtes sur la thématique moléculaire.
La pluridisciplinarité est au cœur des initiatives. Comment se concrétise-t-elle au quotidien ?
Forts de notre expérience au sein du LabEx MiChem, notre objectif est de créer des synergies et de mettre en contact des scientifiques issus de différentes disciplines pour déposer des projets transdiciplinaires, voire créer de nouvelles thématiques de recherche.
Pour cela, nous allons mettre en place des écoles d'été, des séminaires, des workshops, etc., auxquels seront conviés les chercheurs, doctorants et étudiants qui travaillent autour de notre thématique.
Quels projets réalisés au sein de l’initiative peuvent avoir un impact direct sur la société ?
La chimie a souvent mauvaise presse. L’adjectif « chimique » est aujourd’hui devenu péjoratif, alors que tout, par définition est chimique, c’est-à-dire composé de molécules.
Nous voulons montrer, à travers nos recherches, que la chimie est aussi source de solutions pour la société dans de nombreux domaines.
Par exemple, l’équipe de Philippe Karoyan, qui fait partie du périmètre de notre initiative, travaille actuellement sur une possible réponse moléculaire permettant de neutraliser le SARS-Cov2, responsable de la Covid-19. Il a analysé la structure moléculaire de l’interaction entre le virus et nos cellules qui permet l’infection et il l’a reproduite pour détourner le virus de sa cible.
Nous effectuons également des recherches pour créer des virus artificiels à visée thérapeutique. Dans d’autres laboratoires de l’initiative, des collègues analysent les textiles retrouvés sur les momies afin de mieux comprendre les usages et rituels de la civilisation égyptienne. D’autres encore utilisent une méthode révolutionnaire, la cryomicroscopie, qui permet d’observer les objets biologiques et déterminer leur structure moléculaire. En astrochimie, des scientifiques de nos laboratoires travaillent sur la recherche des molécules de la vie dans le milieu interstellaire et les comètes. Et je pourrais multiplier les exemples.
Au sein de l’Alliance Sorbonne Université, nous avons donc un spectre large d’applications des sciences et de l’ingénierie chimique dans des domaines très différents.