"Il faut mieux comprendre la diversité biologique et culturelle afin de pouvoir la préserver"
Anthony Herrel, directeur de recherche CNRS au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), dirige l’Initiative Biodiversité, évolution, écologie, société (Ibees).
Cette structure pluridisciplinaire réunit une vingtaine d’unités de recherche de l'Alliance Sorbonne Université pour mieux comprendre les dynamiques de la biodiversité.
L’Initiative Biodiversité, évolution, écologie, société (Ibees) expliqué en 2'40
Comment s’est constituée l’Ibees ?
Anthony Herrel : Créée en novembre 2019, l'Ibees prend la suite du laboratoire d’excellence Diversité biologique et culturelle dont l’objectif était de faire dialoguer, sciences naturelles et sciences humaines et sociales.
Entre 2010 et 2019, ce laboratoire a permis de générer, au sein du MHNH, une dynamique de recherche interdisciplinaire au service d’une meilleure compréhension des diversités biologiques et culturelles, de leurs évolutions et de leurs interactions.
Forts de cette expérience, nous avons décidé, en 2019, de monter l’Ibees pour élargir cette démarche à tous les partenaires de l'Alliance Sorbonne. Cette initiative compte aujourd’hui un millier de scientifiques répartis dans une vingtaine d’unités relevant des sciences de l’évolution, de l’écologie, des sciences de la terre et des relations hommes-milieux.
Quels sont ses objectifs et ses moyens ?
A. H. : L'Initiative vise à stimuler et renforcer la structuration des activités de recherche fondamentale et de formation de la communauté scientifique qui, dans l’Alliance, travaille à la compréhension des dynamiques de la biodiversité.
Pour cela, elle accompagne les chercheuses et les chercheurs à travers la mise en place de contrats doctoraux et postdoctoraux. Tous les ans, un appel à projets est ouvert aux trois facultés de Sorbonne Université et à tous les partenaires de l’Alliance. Le comité de sélection, lui-même pluridisciplinaire, favorise les sujets à l’interface entre sciences naturelles et sciences humaines et sociales. Au total huit thèses de quatre ans et deux contrats postdoctoraux de deux ans seront financés d’ici 2024 pour stimuler cette diversité d’approches.
Ces financements permettent d’obtenir les données préliminaires souvent nécessaires pour répondre à des appels à projets nationaux ou internationaux ambitieux comme ceux de l’Agence nationale pour la recherche ou du Conseil européen de la recherche.
L’Initiative a également pour mission d’animer la communauté scientifique à travers l’organisation de séminaires et de journées annuelles. Lors de ces évènements ouverts à un large public, l’objectif est de présenter toute la diversité des projets et faire se rencontrer chimistes, écologues, spécialistes de l’évolution, anthropologues, géologues, etc.
Quels sont ses enjeux en termes de recherche ?
A. H. : L’érosion de la biodiversité qui s’accélère depuis plusieurs décennies partout dans le monde, sur terre comme dans les océans, est une menace majeure pour les populations humaines, leur bien-être et leur avenir.
Cette érosion résulte de l’interaction entre des dynamiques biologiques encore mal connues et les activités et comportements humains. Pour la ralentir, il est essentiel de mieux comprendre les mécanismes de la biodiversité, mais aussi d’étudier la diversité des sociétés humaines, et la complexité des interactions entre les systèmes biologiques et socio-culturels à différentes échelles de temps.
Cette façon d’envisager les choses de manière globale exige de combiner les approches en abordant des questions pluridisciplinaires qui n'ont encore jamais été traitées.
Quels sont ses enjeux en termes de formation ?
A. H. : Nous intervenons auprès des étudiantes et étudiants de licence et de master, notamment au sein de la mineure Environnement, pour expliquer l'intérêt de notre démarche pluridisciplinaire. Nous avons également mis en place un programme de formation doctorale dans lequel s’impliquent nos chercheuses et chercheurs en contrat postdoctoral.
Par ailleurs, nous organisons des séminaires ouverts à tous durant lesquels des invités extérieurs partagent leur expertise à l’ensemble des membres de l’Initiative.
Quel impact peuvent avoir les recherches menées au sein de l’Initiative sur la société ?
A. H. : Grâce aux recherches que nous menons au sein de l'Initiative, nous pouvons mieux comprendre la diversité biologique et culturelle afin de mieux la préserver et la conserver. D’ici 2050, plus de 80% de la population vivra en ville. Une urbanisation qui prend de plus en plus de place dans le paysage et impacte directement la biodiversité. Sur cette question, par exemple, plusieurs équipes de recherche de l’Initiative s’intéressent à l'adaptation de la faune et de la flore à des écosystèmes urbains.
Nous avons également financé cette année, grâce à l’Ibees, un projet qui vise à mieux comprendre et quantifier le déclin des espèces. En combinant biologie, bio-informatique, modélisation et sciences participatives, les scientifiques essaient de modéliser la probabilité d'extinction de certaines populations des espèces. Une donnée qui est essentielle pour préserver la diversité de la faune.
Par ailleurs, notre expertise et les résultats de nos recherches sur la conservation de la biodiversité alimentent d’autres instituts, comme l’institut de la transition environnement dont certaines actions sont en prise directe avec la société et les décisions politiques.