Institut de la vision
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Identification d’un nouveau gène associé aux dystrophies rétiniennes d’origine génétique

À l’Institut de la Vision, l’équipe dirigée par Christina Zeitz et Isabelle Audo, cherche à identifier les défauts génétiques responsables de maladies rétiniennes héréditaires et à développer des thérapies géniques innovantes.

Isabelle Audo et Christina Zeitz

Leur équipe a récemment découvert des mutations sur un nouveau gène chez quatre patients atteints de ce type de pathologie.

Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les dystrophies rétiniennes d'origine génétique et pourquoi elles représentent un défi médical majeur ?

Isabelle Audo : Les dystrophies rétiniennes d’origine génétique (DRG) représentent un ensemble de pathologies hétérogènes sur le plan génétique avec des options thérapeutiques qui restent limitées. Ces maladies rares sont, dans la plupart du temps, progressives, dégénératives et entraînent un handicap visuel, voire une cécité dans les formes les plus sévères.

Christina Zeitz : Si nous voulons un jour proposer au patient des traitements innovants pour stopper la maladie ou restaurer leur vision, il est essentiel de mieux comprendre les mécanismes qui conduisent à cette dégénérescence, mais aussi les gènes associés à ces maladies dont beaucoup sont encore inconnus.

Quels ont été les principaux défis que vous avez rencontrés lors de votre recherche ?

C. Z. : Dans cette étude, nous avons travaillé sur la maladie rare la plus fréquente dans la rétine : la rétinopathie pigmentaire. Nous avons identifié le rôle du gène UBAP1L dont les mutations représentent une cause potentielle de DRG.

I. A. : Réussir à déterminer le variant à l’origine de la maladie, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin car nous avons des milliers de variants dans notre génome. Une fois trouvé, il faut ensuite vérifier que le gène muté en question est vraiment responsable de la pathologie. Pour cela, nous devons nous appuyer sur une cohorte suffisamment grande pour valider nos résultats en identifiant d'autres cas.

Pourquoi avoir choisi d'utiliser à la fois des cellules souches pluripotentes induites et des poissons-zèbres dans votre étude ?

C. Z. : Pour modéliser la maladie et valider le rôle de ce nouveau gène dans la rétine, nous avons utilisé ces deux approches car, au niveau expérimental, il est essentiel de ne pas se contenter d'un seul modèle.

I. A. : Les cellules souches pluripotentes induites dérivées en cellules rétiniennes ont l’avantage de contenir tout l’environnement génomique du patient. Mais ce système reste artificiel. Tandis que le modèle du poisson-zèbre, qui est doté de très grandes rétines, reste un modèle animal entier, même s’il est éloigné de l’Homme au niveau phylogénétique. Ces deux modèles sont donc complémentaires pour tester de nouvelles thérapies.  

Comment les mutations sur le gène UBAP1L affectent-elles les photorécepteurs de la rétine ?

C. Z. : Ce que nous savons, c’est que le gène UBAP1L code pour une protéine associée à une petite molécule, appelée ubiquitine, impliquée dans l’élimination de protéines anormales et essentielle au fonctionnement de la cellule. Nous faisons donc l’hypothèse qu’une mutation sur ce gène pourrait entraîner un problème au niveau du contrôle qualité de la production de certaines protéines dans la rétine.

I. A. : En effet, une protéine mal formée, qui n’est pas éliminée, génère des erreurs au niveau du métabolisme de la cellule, ce qui peut entraîner la dégénérescence des photorécepteurs, les cellules sensibles à la lumière.

Quels sont les prochains objectifs de votre recherche après cette découverte ?

I. A. : Dans notre équipe, nous avons déjà identifié la cause génétique d’environ 70% des cas de DRG. S’il reste de nombreux gènes à découvrir, les mutations que nous venons d’identifier sur le gène UBAP1L sont un pas de plus dans ce champ de recherche très compétitif. Une de nos doctorantes va consacrer sa thèse à ce gène pour essayer de mieux en comprendre les voies métaboliques. Son étude dans d’autres cohortes permettra de déterminer la prévalence du défaut génétique et sa répartition géographique.

C. Z. : Cette découverte est aussi une nouvelle cible thérapeutique : il s’agit d’une voie biochimique particulière, liée au contrôle de la synthèse protéique dans la cellule et à la protection contre le stress oxydant. Si nous arrivons à cibler spécifiquement cette voie, nous aurons peut-être un espoir thérapeutique pour les patients atteints de rétinopathie pigmentaire.

En quoi l’environnement de l’Institut de la Vision est-il propice au développement de ce type de recherche ?

I. A. : Cet institut permet de nouer des collaborations sans lesquelles nous n’aurions pas pu développer nos modèles. Notre équipe est experte dans la recherche de défaut génétiques dans les DRG impliquant le séquençage haut débit, mais nous n’aurions pas avancé sans l’aide d’Olivier Goureau qui a élaboré les protocoles pour la modélisation cellules pluripotentes induites, de Filippo Del Bene qui a développé le modèle des poissons-zèbres et des plateformes mises à disposition à l’institut.

C. Z. : Nous avons également la chance d’avoir, dans notre centre de référence des maladies rares des 15-20, près de 10 000 patients référencés dont quatre nous ont permis d'identifier ce gène dans une cohorte composée de plus de 4000 sujets. Chaque patient est une brique de la recherche. Et même s’il ne bénéficie pas directement des avancées de la recherche, il en profitera certainement un jour indirectement.


Référence de l’étude : Christina Zeitz et al.Variants in UBAP1L lead to autosomal recessive rod-cone and cone-rod dystrophy, revue Genetics in Medicine, 2024I

Isabelle Audo, chevalier dans l’ordre de la légion d’honneur

Chercheuse en ophtalmologie, professeure des universités-praticienne hospitalière de Sorbonne Université et directrice adjointe de l’Institut de la Vision, Isabelle Audo a reçu les insignes de Chevalier dans l’ordre national de la légion d’honneur des mains du Professeur José-Alain Sahel le 26 mars 2024. « Cette distinction revient aussi à tous les gens qui m'ont accompagnée depuis le début de mes études et m’ont aidée à monter les projets. En médecine comme en recherche, on ne travaille pas seul. Aujourd’hui, j’espère que cette distinction va nous donner un élan supplémentaire pour continuer à aller plus loin dans les découvertes génétiques de ces maladies rétiniennes rares », conclut Isabelle Audo.