"Créer une communauté de recherche autour des enjeux médicaux et économiques"
Alexandra Roulet dirige l’Initiative Économie de la santé de l'Alliance Sorbonne Université.
Maîtresse de conférences en économie à l'Institut européen d'administration des affaires (INSEAD), son ambition est de créer des synergies entre les sciences économiques et les sciences médicales.
L'Initiative expliquée en 2'40
Rencontre avec Alexandra Roulet
Comment est née cette initiative ?
Alexandra Roulet : Elle est née de la volonté de renforcer les liens entre l'Insead, qui réunit des spécialistes en économie, finance, stratégie, marketing, sciences comportementales et sciences de la décision, et les autres membres de l’Alliance Sorbonne Université.
Nous avons voulu concrétiser ce rapprochement autour d’une thématique transversale : la santé. Cela s’est d’abord traduit, il y a deux ans, par l’organisation d’une conférence réunissant des chercheurs et chercheuses de l'Insead, de l’Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique (iPLesp) et de la faculté de Médecine de Sorbonne Université. Suite au succès de cet évènement et aux discussions qui ont émergé entre les différentes communautés, nous avons décidé de pérenniser cette dynamique à travers la création d’une Initiative.
Quels sont ses objectifs ?
A. R. : Cette initiative permettra de structurer la recherche autour de problématiques relatives à la santé (pathologies, traitements, prévention), ayant un aspect économique, financier ou managérial. Nous souhaitons créer, au fil des années, une communauté de chercheuses et chercheurs qui travaillent sur ces questions sous des angles différents afin de confronter leurs points de vue et faire naître des collaborations pluridisciplinaires.
L’Initiative apporte également le moyen de financer ces nouveaux projets.
Quelles thématiques de recherche abordez-vous dans l’Initiative ?
A. R. : Le spectre des thématiques est très large. La pandémie actuelle a mis sur le devant de la scène de nombreux sujets sanitaires qui peuvent être traités de façon pluridisciplinaire en lien avec l’expertise de l’Insead. Nous avons vu, par exemple, à quel point l’organisation de certains services hospitaliers était cruciale dans cette pandémie. De nombreuses théories étudiées ou développées à l’Insead, par exemple en terme d’organisation optimale des files d’attente, peuvent être utilisées pour aider à réfléchir à la gestion de ces services en temps de crise.
L’interface entre sciences médicales et sciences économiques peut également contribuer à la mise en place d’un système de santé durable en étudiant les mécanismes régissant le prix des médicaments, et en proposant des solutions pour éviter que certains nouveaux traitements ne soient disponibles qu’à des prix très élevés.
Cette approche multidisciplinaire est aussi intéressante dans l’étude des maladies chroniques, comme l'obésité ou le diabète, qui ont souvent un aspect sociétal et économique fort. Enfin, nous menons à l’Insead des travaux sur l'effet du chômage et de la perte d'emploi sur la santé physique et mentale des personnes concernées. Ces recherches, à cheval entre économie et santé, peuvent aboutir à de nouvelles politiques publiques pour les demandeurs d'emploi.
Ces exemples sont loin d’être exhaustifs et un des objectifs de l’initiative est de créer de nouveaux champs de connaissance à partir de collaborations entre des disciplines qui restaient jusque-là cloisonnées en dépit de sujets communs.
Quels moyens l’Initiative apporte-t-elle à ces recherches ?
A. R. : Ce ne sont pas tant les idées qui manquent que des forces vives qui ont le temps de traiter ces sujets transversaux. C’est pourquoi l'Initiative va consacrer la majorité de son budget au financement d’au moins huit contrats doctoraux. Chaque année, les chercheuses et chercheurs de Sorbonne Université seront invités à soumettre des projets doctoraux et un potentiel doctorant pour le projet. Les candidats retenus par le comité de sélection, composé de membres de l’Insead, de l’iPLesp et de la faculté de Médecine, bénéficieront d’un financement de thèse pendant trois ans.
Nous avons également à cœur d'utiliser une partie du budget pour entretenir et développer notre réseau à l’international. Nous souhaitons convier, dans nos laboratoires, des experts étrangers afin de faire avancer nos projets, renforcer nos collaborations et créer de nouvelles interactions pour nos doctorants.
La pluridisciplinarité est au cœur des initiatives. Comment la favorisez-vous au quotidien ?
A. R. : Même si nous n’avons pas souhaité arrêter des axes de recherche prédéfinis afin de ne pas réduire le champ des possibles, nous voulons valoriser en priorité les projets doctoraux pluridisciplinaires. Notre première doctorante travaille, par exemple, sous la direction d’un professeur de l’Institut du Cerveau et d’une professeure de marketing de l’Insead. Elle s’interroge, entre autres, sur les connectivités des structures cérébrales liées aux décisions alimentaires (choix entre des aliments plus ou moins sains), afin notamment d’améliorer les stratégies de prévention contre l'obésité.
Nous souhaitons également mettre en place un certain nombre d’actions pour favoriser l’interdisciplinarité, comme l’organisation de journées thématiques durant lesquelles les scientifiques de différents horizons pourront échanger. Un événement virtuel de ce type va être organisé en janvier ou février prochains.