"Créer des systèmes technologiques respectueux de l’Homme et de l’environnement"
Professeur de chimie des matériaux à l’Université de technologie de Compiègne, Jérôme Favergeon est à la tête de l’Initiative Maîtrise des systèmes technologiques sûrs et durables (MSTD).
Cette communauté de recherche de l’Alliance Sorbonne Université vise à développer des technologies innovantes répondant aux enjeux socio-économiques et environnementaux actuels.
L'Initiative expliquée en 2'40
Rencontre avec Jérôme Favergeon
Comment est née l’Initiative Maîtrise des systèmes technologiques sûrs et durables ?
Jérôme Favergeon : Créée en 2020, l’Initiative s’inscrit dans une trajectoire de recherche pluridisciplinaire liée aux enjeux technologiques lancée il y a une dizaine d'années par le LabEx Maîtrise des systèmes de systèmes technologiques. L'appel pour les Initiatives de l’Alliance Sorbonne et l’expérience que nous avons acquise à travers le LabEx nous ont donné envie de poursuivre et développer des travaux pluridisciplinaires ayant pour objet de recherche les systèmes technologiques.
L’initiative est également née de la mobilisation sociétale forte autour des préoccupations écologiques qui nécessitent de développer des collaborations entre les disciplines dans le cadre de la recherche et de la formation.
Que signifient les notions de sûreté et de durabilité au cœur de l’Initiative ?
J. F. : Ils doivent être compris dans une acception large. La sûreté des systèmes technologiques recouvre aussi bien les notions de fiabilité, de disponibilité et de sécurisation que d’innocuité pour l’Homme. La durabilité peut désigner le maintien, sur la durée, du caractère fonctionnel du système technologique, mais également la minimisation des coûts humains et environnementaux sur l’ensemble de son cycle de vie, avec en particulier, la préoccupation de la préservation des ressources naturelles.
La pluridisciplinarité fait partie de l’ADN des Initiatives. Comment se traduit-elle pour vous ?
J. F. : L’objectif de l’Initiative est de contribuer à améliorer ou créer des systèmes technologiques acceptables économiquement, socialement et respectueux de l’Homme et de l’environnement. Pour cela, elle exige de développer des approches interdisciplinaires basées sur l’hybridation des savoirs et des pratiques.
Dans le cadre du LabEx, nous avons déjà pu apprécier les difficultés et les efforts nécessaires à la réussite d’une recherche pluridisciplinaire. Avec l’Initiative, nous voulons constituer, au sein de l’Alliance, une communauté scientifique pour contribuer à une recherche technologique qui se préoccupe des enjeux environnementaux. S’il paraît naturel que cette communauté s’appuie sur des laboratoires centrés sur l’ingénierie, nous souhaitons également associer des laboratoires d’autres domaines comme les sciences humaines et sociales, l’environnement et la santé, ainsi que les instituts de l’Alliance Sorbonne Université (l’Institut de la transition environnementale, l’Institut des matériaux, l’Institut universitaire d’ingénierie en santé, etc.).
Quels sont les grands enjeux de l’Initiative en termes de recherche ?
J. F. : L’Initiative s’intéresse au fonctionnement des systèmes technologiques, à leur système de production, à leur conception, à leur contrôle, à leur diagnostic, à leur durée de vie, etc.
Dans cette perspective, nous avons défini trois axes. Le premier concerne les problématiques liées à la mobilité et au transport pour une ville durable (nouveaux dispositifs de mobilité, éco-navigation, optimisation des trajets pour réduire l’empreinte carbone, nouvelles énergies pour les véhicules, etc.).
Le deuxième porte sur ce que nous appelons « la chimie verte », c’est-à-dire la façon dont nous pouvons utiliser à bon escient les agro-ressources (cultivables et donc renouvelables) pour fabriquer de nouveaux matériaux, produire de l'énergie, etc.
Le dernier axe a pour objet les nouveaux dispositifs technologiques d'assistance à la vie et à la santé (prothèses, suppléances organiques, etc.), en associant l’expertise des sciences humaines et sociales à celle des sciences dures et médicales.
Quelles actions pensez-vous mettre en place pour répondre à ces enjeux ?
J. F. : Chaque année, deux thèses et deux contrats post-doctoraux sont financés pour quatre ans par l’Initiative. Nous voudrions également mettre en place des réunions mensuelles avec des grands donneurs d'ordre, comme des industriels ou l'agence de la transition écologique, afin d’identifier avec eux des enjeux de recherche technologique dans des domaines variés, associés à l’ambition de réduire l’impact environnemental.
Par ailleurs, nous souhaitons développer, dans le cadre de la formation, des contenus et des formats pédagogiques suffisamment ouverts pour permettre aux étudiants et étudiantes de l’Alliance Sorbonne Université de comprendre l'aspect systémique des technologies. Si nous voulons former des ingénieurs capables d’améliorer ou concevoir de nouveaux systèmes tout en se souciant de leur impact sociétal et environnemental, nous devons leur proposer des enseignements à l’interface des disciplines (ingénierie, écologie, santé, etc.) en s’appuyant sur les nombreuses ressources de l’Alliance. Cela pourra se faire, en concertation avec les responsables de formation, sous forme d’écoles d’été, de séminaires ou de cours en ligne.