Pollution et Covid-19
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Covid-19. La pollution de l’air, probable facteur de risque

Des études semblent indiquer que le Covid-19 est plus mortel dans les régions fortement polluées. L'éclairage d'Isabella Annesi-Maesano.

Isabella Annesi-Maesano, responsable de l’équipe épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et santé publique, nous éclaire sur les liens qui existent entre pollution atmosphérique et Covid-19.

La pollution de l’air favorise-t-elle la propagation du virus SARS-CoV-2, responsable du Covid-19 ?

Isabella Annesi-Maesano1 : Dès le début de la pandémie, la communauté scientifique a observé que les premiers foyers épidémiques, en Chine, en Lombardie, en Iran et ailleurs, sont apparus dans des zones très polluées. À partir des premières données disponibles, plusieurs équipes de recherche ont commencé à s’intéresser au lien entre pollution atmosphérique et Covid-19, notamment en Chine, en Italie et au Royaume-Uni. Malgré l’utilisation de méthodologies différentes, leurs études confirment l’existence d’une association statistiquement significative entre le nombre de cas de Covid-19, leur gravité en termes de décès et le niveau de pollution de l’air. 

Des résultats qui renforcent ce que nous savons déjà dans le cas d'autres virus respiratoires, comme la grippe, le SARS-CoV-1, responsable de l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2002 à 2004 ou encore le virus syncytial, responsable de la bronchiolite chez l'enfant : lorsque le virus est présent, la pollution de l’air augmente le nombre d'infections.

Sur quels mécanismes repose la transmission de ce virus dans l’air ?

I. A.-M. : La transmission du SARS-CoV-2 se fait principalement par gouttelettes ou par contact avec une surface contaminée. Mais des études montrent que le virus, qui a une taille de 130 nanomètres et qui pèse seulement quelques dizaines de fentogrammes (10-15), est également présent en suspension dans l’air. 

L'air peut favoriser la propagation de ce virus de deux façons. Une fois émis par le malade, il peut se greffer sur des particules respirables de 10 microns, capables de transporter virus, pollens, spores et autres éléments. Ce phénomène a été observé à l’aide d’un microscope électronique dans le cas d’autres virus respiratoires. Le virus peut aussi être véhiculé par des particules ultrafines (inférieures à 0.1 micron) au sein de ce que nous appelons des aérosols secondaires. Ces aérosols sont un mélange de particules liquides et solides généré par la transformation de gaz présents dans l’atmosphère et de particules primaires2 directement émises dans l’air. Au sein de ces aérosols, le virus s’agrège avec les autres particules.  

Si des chercheurs ont récemment mis en évidence la présence du SARS-CoV-2 dans ces aérosols, très présents dans la pollution atmosphérique, la question reste aujourd’hui de savoir si le virus retrouvé est actif et s’il peut infecter des personnes. En attendant les résultats des études en cours, le principe de précaution est de mise. Il faut notamment faire très attention à la ventilation et à la climatisation à l’intérieur des locaux, et en particulier dans les hôpitaux, car il existe un potentiel danger. 

De quelle manière la pollution atmosphérique nous rend-elle plus fragiles face au Covid-19 ?

I. A.-M. : Si la pollution de l'air peut favoriser la propagation du virus, il est désormais bien établi qu’elle est aussi un facteur de risque du Covid-19. D’une part, elle est irritante et abîme les muqueuses du nez et de la gorge qui deviennent plus perméables, facilitant ainsi la pénétration du virus dans l’organisme. 

D’autre part, les particules fines, en atteignant les poumons, mais aussi le cœur, les reins, le cerveau, les vaisseaux sanguins, et autres organes, provoquent une inflammation systémique de l’organisme. Cette inflammation, affaiblit le système immunitaire et provoque des problèmes respiratoires, cardiovasculaires, neurologiques, métaboliques à l’origine de maladies chroniques (bronchopneumopathie chronique obstructive, diabète, obésité, etc.). Or nous avons constaté que les malades du Covid-19 qui sont les plus à risque de développer des formes graves présentent justement ces pathologies en tant que comorbidités.

Citons également le fait que nombre de ces pathologies sont traitées avec des médicaments de type anti-inflammatoires et cortisone, qui peuvent aggraver l’infection.

Les masques sont-ils efficaces pour se prémunir contre la contamination via la pollution de l’air ?

I. A.-M. : Si tout le monde porte un masque, cela évite l’émission dans l’air des postillons et des aérosols et donc la transmission du virus. En revanche, pour se protéger des polluants dans l’air, il faudrait des masques très sophistiqués et très coûteux. Or, force est de constater qu’au début de l’épidémie, la France n’avait même pas suffisamment de masques pour équiper tous les soignants dans les hôpitaux.

A-t-on pu observer un effet positif lié à la réduction des polluants durant le confinement ?

I. A.-M. : Selon le site de surveillance de la qualité de l’air, Airparif, les niveaux de pollution ont considérablement baissé durant le confinement. Or nous savons qu’en France, au moins 48 000 décès par an sont dus à la pollution atmosphérique. La baisse de la pollution durant le confinement a donc certainement contribué à réduire le nombre de morts. 

Pour autant, rappelons que la pollution n'était pas nulle durant ces deux mois, en raison des livraisons, des transports, des épandages de fertilisants et de pesticides, de l'ozone, de la pollution transfrontalière, etc. Il y a même eu des pics.


1 Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et santé publique (IPLESP, Sorbonne Université/Inserm)

2 Par exemple, des particules minérales résultant de l'érosion de sols, du sable, des embruns marins, des cendres volcaniques, etc. En milieu urbain, on peut retrouver des suies provenant du chauffage domestique, des particules émises directement par la combustion des carburants, ou provenant de la remise en suspension des dépôts sur la chaussée par la circulation.