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  • Recherche et formation pluridisciplinaires

Comprendre le vivant autrement : une rencontre inédite à l’interface des disciplines scientifiques

L’initiative InLife promeut une recherche interdisciplinaire autour des grands enjeux du vivant, à l’interface entre biologie, physique, chimie, mathématiques, informatique et ingénierie. Structurée autour de deux axes – ingénierie et modélisation du vivant – elle vise à fédérer une large communauté scientifique pluridisciplinaire et à former une nouvelle génération de chercheurs afin d’exploiter pleinement l'immense potentiel de l’Alliance Sorbonne Université dans le domaine stratégique que constituent les interfaces avec les sciences du vivant.

Interview de Gilles Fischer, directeur de l'Initiative Sciences aux Interfaces du Vivant – InLife

Comment et dans quel contexte s’est constituée l’Initiative Sciences aux interfaces du vivant - InLife ?
Gilles Fischer : L’initiative InLife est née d’un constat scientifique fort : la biologie connaît aujourd’hui des transformations majeures. Elle est devenue une science des données, plus quantitative et prédictive, qui s’est ouverte aux interfaces avec d’autres disciplines à de multiples niveaux. Si des jonctions entre la biologie et d’autres sciences existaient déjà depuis longtemps, elles sont aujourd’hui devenues centrales car les questions posées atteignent un niveau de complexité qui nécessite des expertises complémentaires pour y répondre.
À Sorbonne Université, cette volonté d’interdisciplinarité ne date pas d’hier. Un premier programme, Interfaces pour le vivant (IPV), a été lancé sous la direction de Christine Ménager, qui est aujourd’hui directrice adjointe de l’initiative InLife. Ce programme doctoral a permis d’initier des liens entre disciplines pour aborder des questions biologiques sous un angle renouvelé. En parallèle, une autre Initiative de l’Alliance Sorbonne Université, i-Bio, avait pour objectif de promouvoir les études interdisciplinaires autour de la biologie.
Fortes de dix années d’existence pour IPV et cinq années pour i-Bio en 2024, ces programmes ont permis d’établir des collaborations solides entre biologistes, physiciens, mathématiciens, chimistes et informaticiens, en se concentrant sur des problématiques biologiques fondamentales. Plus récemment, l’émergence du programme “Life & Theory” (Lif&T), qui ambitionne de créer un centre de biologie théorique sur le campus Pierre et Marie Curie est aussi un signe fort de l’importance stratégique que représentent les interfaces scientifiques autour de l’étude du vivant. Il nous a donc semblé important de proposer la création d’un outil structurant pour centraliser ces efforts et en maximiser l’impact. C’est dans cette optique que s’inscrit la création d’InLife.
L’initiative bénéficie d’un cadre institutionnel solide, notamment grâce à son intégration dans l’Alliance Sorbonne Université (ASU). Cette ouverture offre une dimension inter-établissement inédite, impliquant notamment l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) et le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN). Contrairement à i-Bio, qui restait centré sur les biologistes de Sorbonne Université, InLife adopte une approche plus large, à la fois thématiquement et institutionnellement, qui modifie profondément son mode de fonctionnement.

La pluridisciplinarité est au cœur des initiatives et instituts. Comment se traduit-elle concrètement pour vous ?
G.F. : L’interdisciplinarité est le moteur d’InLife. L’initiative repose sur l’idée d’exploiter les concepts et méthodes d’autres disciplines scientifiques pour répondre à des questions de biologie fondamentale.
Cette dynamique se manifeste par une double attraction :

  • D’une part, les scientifiques issus d’autres disciplines s’intéressent aux systèmes biologiques en raison de leur complexité et de leurs défis stimulants.
  • D’autre part, les biologistes se tournent vers ces disciplines pour accéder à des méthodologies avancées leur permettant d’explorer leurs questions avec une perspective renouvelée.

Les problématiques abordées par InLife ont également une portée sociétale majeure, qu’il s’agisse des questions médicales ou environnementales. En biologie médicale, l’interface entre disciplines est évidente : comprendre le vivant permet d’améliorer notre compréhension des pathologies et de concevoir des traitements innovants. En écologie, l’étude du vivant est essentielle pour appréhender les impacts du dérèglement climatique et de la pollution sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes.
L’initiative ne se limite pas aux sciences dures : elle ouvre également des perspectives en sciences humaines et sociales, avec des questions éthiques, philosophiques et culturelles liées au vivant. D’autres ponts entre les sciences de la vie, les sciences de la Terre et les sciences humaines sont envisagés. La paléontologie, par exemple, éclaire l’évolution du vivant, tandis que l’histoire des techniques met en lumière l’usage ancien des micro-organismes par les sociétés humaines.

Quels sont les objectifs de l’initiative ?
G.F. : InLife poursuit plusieurs objectifs stratégiques :

  • Fédérer une communauté scientifique pluridisciplinaire autour du vivant, en intégrant biologistes, informaticiens, physiciens, mathématiciens, ingénieurs, chimistes, mais aussi experts en médecine, écologie et sciences humaines.
  • Renforcer les liens intersectoriels, notamment avec le monde industriel, pour favoriser les applications des recherches menées.
  • Contribuer à la formation interdisciplinaire des étudiants, afin de les préparer aux défis des sciences du vivant modernes.
  • Accroître la dimension internationale de l’initiative en développant des partenariats stratégiques avec d’autres institutions de recherche.
  • À terme, créer un institut des sciences aux interfaces du vivant, consolidant ainsi cette dynamique interdisciplinaire.

Quels axes et enjeux de recherche avez-vous définis ?
G.F. : Contrairement à IPV et i-Bio, qui ne définissaient pas d’axes prioritaires, InLife a choisi de structurer ses recherches autour de deux grandes thématiques stratégiques :

  1. Ingénierie pour le vivant qui intégre des principes de chimie, d'ingénierie et de physique :
    - Aspects méthodologiques
    : développement d’instruments et de matériaux pour explorer le vivant, ainsi que de dispositifs biomimétiques et biocompatibles.
    - Construction du vivant : ingénierie tissulaire et cellulaire, biologie synthétique, biomécanique, autant de disciplines en plein essor qui façonnent les avancées biomédicales et biotechnologiques.
  2. Approche théorique du vivant à l'interface avec les mathématiques, la chimie théorique, l'informatique et la physique théorique :
    - Modélisation multi-échelles du vivant (temporelle et spatiale), avec des approches modélisation déterministe, modélisation aléatoire, inférence statistique, physique statistique et systèmes dynamiques.
    - Exploitation des données massives en biologie, nécessitant le développement de nouvelles méthodes d’analyse et d’intelligence artificielle. L’intelligence artificielle joue actuellement un rôle clé et transforme radicalement l’étude du vivant.

Quels sont les enjeux en termes de formation ?
G.F. : L’initiative souhaite développer plusieurs actions pour renforcer la formation interdisciplinaire :

  • Organiser des écoles d’été et des ateliers méthodologiques pour doctorants.
  • Intégrer des modules spécifiques sur les interfaces entre biologie et autres disciplines dans les formations existantes.
  • Collaborer avec les responsables pédagogiques pour combler des lacunes et proposer des formations adaptées aux nouveaux défis scientifiques.

L’exemple d’i-Bio est inspirant : ce programme a mis en place un Master 1 à l’interface de la biologie et de la physique, répondant ainsi à un besoin de formation à cette intersection disciplinaire. InLife pourrait s’appuyer sur ce modèle pour développer des initiatives similaires.

Quel impact les recherches réalisées au sein de l’Initiative peuvent-elles avoir sur la société ?
G.F. : Les recherches menées au sein d’InLife ont un impact potentiel majeur dans plusieurs domaines :

  • Médecine et santé : amélioration des connaissances sur les maladies, développement de nouveaux outils de diagnostic et de thérapies innovantes.
  • Environnement et écologie : compréhension des effets du changement climatique et de la pollution sur les écosystèmes, contribution à des stratégies de préservation de la biodiversité.
  • Société et éthique : réflexions sur les implications philosophiques et sociales des avancées scientifiques sur le vivant.

Grâce à son approche interdisciplinaire et à son ancrage institutionnel fort, InLife est appelée à jouer un rôle clé dans le développement des sciences aux interfaces du vivant, en structurant une communauté scientifique engagée autour de ces enjeux majeurs.