Comprendre le Moyen Âge pour mieux éclairer les circulations du monde contemporain

L’initiative Circulations médiévales (MeCir) de l’Alliance Sorbonne Université vise à développer une recherche interdisciplinaire sur les dynamiques de circulation au Moyen Âge. Elle mobilise sciences humaines et technologies innovantes pour étudier la transmission des savoirs, des textes, des biens et des cultures, et interroger leur héritage dans le monde contemporain.

Interview avec Béatrice Caseau, Directrice de l'Initiative Circulations Médiévales (MéCir)

Comment/dans quel contexte s’est constituée l’initiative Circulations médiévales ?
Béatrice Caseau : L’initiative Circulations Médiévales (MeCir) est née d’une volonté de fédérer la recherche en médiévistique autour d’un axe structurant : les circulations médiévales. Sorbonne Université, avec sa richesse disciplinaire et son nombre conséquent d’enseignants-chercheurs en médiévistique, était l’institution idéale pour porter un projet d’une telle ampleur. Malgré l’existence de centres spécialisés comme le CESCM à Poitiers ou le LAMOP à Paris 1, la France ne disposait pas d’un pôle de recherche interdisciplinaire et transversal sur ces questions. MeCir vise ainsi à rassembler des spécialistes de différentes disciplines pour explorer la manière dont les circulations de personnes, de biens et d’écrits ont façonné l’espace européen et proche-oriental médiéval.


L’interdisciplinarité est au cœur des initiatives et instituts. Comment se traduit-elle concrètement pour vous ?
B.C. : L’interdisciplinarité est essentielle pour comprendre les dynamiques de circulation au Moyen Âge. L’initiative regroupe des historiens, des philosophes, des archéologues, des linguistes, des spécialistes de droit, d’histoire des sciences et des arts. Cette diversité permet d’analyser les circulations sous des angles variés : la transmission des savoirs, les réseaux commerciaux, la diffusion des pratiques juridiques ou encore l’essor des routes et des infrastructures. MeCir encourage la collaboration entre disciplines en intégrant des chercheurs d’autres périodes, de l’Antiquité aux temps modernes, afin de mettre en perspective les continuités et les ruptures historiques.

Quels sont les objectifs de l’initiative ?
B.C. : L’initiative poursuit plusieurs objectifs majeurs :

  • Fédérer la communauté des chercheurs en médiévistique en France et à l’international.
  • Devenir un pôle de référence en études médiévales en favorisant les échanges scientifiques et interdisciplinaires.
  • Diffuser les résultats de la recherche auprès des institutions culturelles, du grand public et des établissements scolaires.
  • Encourager la recherche collaborative et le développement de nouveaux projets internationaux.
  • Renforcer les liens avec d’autres centres de recherche à travers le réseau 4EU+ et les Écoles françaises à l’étranger.

Quels axes/enjeux de recherche avez-vous définis ?
B.C. : Autour de nos 22 unités de recherches, plusieurs axes ont été défini :

  • Circulations des savoirs : comment les connaissances scientifiques, philosophiques, médicales et juridiques ont été transmises et transformées à travers l’Europe et le Proche-Orient.
  • Mobilité des personnes et des biens : les routes commerciales, les migrations, les échanges diplomatiques et artistiques.
  • Circulation des textes et des images : l’essor de la copie et de la traduction, les interconnexions entre traditions intellectuelles latine, arabe et byzantine.
  • Réception et re-création du Moyen Âge : l’imaginaire médiéval et ses réinterprétations depuis le XIXe siècle, notamment dans la culture populaire et les nouvelles technologies.

Quels sont les enjeux en termes de formation ?
B.C. : MeCir ambitionne de renforcer la formation en études médiévales en proposant :

  • Un master 2 pluridisciplinaire intégrant lettres, langues, histoire, histoire de l’art et archéologie.
  • Une formation professionnalisante à la médiation culturelle, en lien avec l’industrie du virtuel et les institutions patrimoniales.
  • Un accompagnement des jeunes chercheurs dans le montage de projets européens (Marie Curie, ERC).
  • Le développement des humanités numériques et de la science ouverte, avec un accès facilité aux ressources et données de recherche.

Quel impact les recherches réalisées au sein de l’initiative peuvent-elles avoir sur la société ?
B.C. : Les travaux menés au sein de MeCir ont une portée bien au-delà du cercle académique. Ils permettent :

  • Une meilleure compréhension des dynamiques historiques de circulation des savoirs et des cultures, qui éclaire des enjeux contemporains comme la mondialisation et les migrations.
  • La valorisation du patrimoine médiéval à travers des collaborations avec les musées, les bibliothèques et le secteur du numérique.
  • Une réflexion sur les liens entre technologies modernes et traditions anciennes, notamment en explorant les interactions entre musique médiévale et intelligence artificielle.
  • Une sensibilisation du grand public à l’importance du Moyen Âge dans la construction de notre monde actuel, en s’appuyant sur des reconstitutions historiques et des productions audiovisuelles.