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Berni Hasenknopf : « Les prochaines élections détermineront si la recherche et l’enseignement pourront continuer à se développer au niveau européen »

Berni Hasenknopf, conseiller pour l’engagement européen à Sorbonne Université, nous éclaire sur les enjeux des élections européennes du 9 juin prochain et souligne l'importance des décisions du Parlement européen pour la vie universitaire.

Pouvez-vous expliquer en quelques mots votre rôle à Sorbonne Université ?
Bernold Hasenknopf
: Je suis conseiller pour l’engagement européen au sein de l’équipe présidentielle de Sorbonne Université. Je suis rattaché au vice-président Relations internationales, partenariats territoriaux et socio-économiques, Guillaume Fiquet. Je collabore également avec Nathalie Drach-Temam et l’ensemble des vice-présidents sur les sujets européens. 
Mon travail inclut une participation active aux réseaux d'universités LERU et EUA, ainsi que la coordination avec notre bureau de représentation de la Maison Irène et Frédéric Joliot Curie à Bruxelles. J'élabore des partenariats européens en dehors de l'Alliance 4EU+, et je m'engage au sein de l'Alliance en tant que président du conseil académique.

En quoi le Parlement européen est -il important pour Sorbonne Université ? Comment ses décisions influent-elles sur la vie universitaire et académique ?
B.H.
: Le Parlement européen a établi un cadre propice à la recherche en reconnaissant l'importance fondamentale des établissements d'enseignement supérieur dans la stimulation de l'innovation et de la recherche. Il met en avant le rôle crucial des étudiantes et étudiants en tant que futurs moteurs de l’innovation. 
En outre, il souligne que les termes « recherche » et « innovation » englobent une gamme étendue de domaines, incluant les sciences sociales et humaines, et ne se limitent pas uniquement à l'innovation technologique. 
Le Parlement européen adresse également la nécessité de créer des conditions favorables à la recherche en s'engageant contre les inégalités de genre et en appelant les États membres à faciliter la collaboration scientifique, ainsi qu'à promouvoir la diffusion de l'innovation dans les régions moins développées. Enfin, il défend la liberté académique comme un principe fondamental.

Ces exigences sont en adéquation avec les besoins de Sorbonne Université pour remplir son rôle sociétal en matière de recherche et de formation de premier plan. Je me réjouis aussi de constater que le Parlement européen préconise un accroissement du soutien financier aux alliances universitaires et la mise en place d'un cadre flexible pour leur développement. Ces mesures sont essentielles pour concrétiser la stratégie de notre Alliance 4EU+ visant à créer une université européenne intensive de recherche et de formation. 

Les élections européennes du 9 juin sont cruciales pour déterminer la composition du futur Parlement. Quels enjeux ces élections représentent-elles pour Sorbonne Université ?
B.H. :
Les positions adoptées par le Parlement, telles que mentionnées précédemment, ont été soutenues par une majorité d’élus. Ces positions étaient en accord avec les objectifs et les actions de Sorbonne Université. 
L'enjeu des prochaines élections réside dans la continuité de cette politique de construction de l’Espace européen de la recherche (ERA) et de l'Espace européen de l'enseignement supérieur (EHEA). En l'absence d'une voix forte au niveau européen pour défendre l'ERA et l'EHEA, nos besoins risquent d'être relégués au second plan, avec pour conséquence une diminution des financements et des initiatives en matière de recherche et de mobilité.

Le Parlement européen joue un rôle vital dans l'allocation des budgets de recherche, notamment à travers des programmes tels que Horizon Europe. Comment ces décisions budgétaires affectent-elles les projets de recherche et d'innovation à Sorbonne Université ?
B.H. :
Afin de stimuler l'écosystème de recherche de l'Union européenne, le Parlement a préconisé une augmentation significative des budgets alloués à la recherche, avec un accent particulier sur les secteurs stratégiques de la santé, du numérique et de l'espace.
Le Parlement vote le budget annuel de l’UE, englobant également le budget du programme de recherche Horizon Europe. Chaque année, une négociation intense s'engage entre le Parlement européen, le Conseil de l'UE et la Commission européenne, au cours de laquelle le Parlement défend le financement de la recherche contre d'éventuelles coupes budgétaires. À titre d’exemple, il a augmenté en 2023 le budget Horizon Europe de 663 millions d’euros, dont 194 millions d’euros pour le pilier 1 (ERC, MSCA, infrastructures de recherche…), particulièrement important pour notre université. De fait, parmi les établissements d'enseignement supérieur français, Sorbonne Université est celui qui bénéficie le plus des fonds européens pour faire progresser ses projets de recherche.

La question de la liberté académique a été soulevée à plusieurs reprises. En quoi le Parlement européen intervient-il pour garantir et protéger cette liberté ? Quelles sont les implications pour Sorbonne Université ?
B.H. :
La liberté académique est une valeur fondamentale de l'enseignement supérieur et de la science d'aujourd'hui. Pourtant, ces dernières années, des préoccupations diverses ont émergé quant à l'état actuel de cette liberté académique au sein de l’UE. L'affaire de la délocalisation de la Central European University en Hongrie a été largement perçue comme une atteinte significative, sanctionnée par la Cour européenne de justice.

En 2022, le Parlement européen a alors pris l'initiative de défendre la liberté académique et l'indépendance des institutions universitaires en lançant un Observatoire de la liberté académique. Son premier rapport, publié en février 2024, met en lumière le positionnement global de la France parmi les 10 à 20 % de pays les mieux classés pour le respect de la liberté académique. Cependant, elle est faible en ce qui concerne l’autonomie organisationnelle et financière des universités, et plusieurs cas de violation de la liberté académique ont été documentés. On peut donc mieux faire.
Il est impératif que le Parlement européen poursuive son action pour sensibiliser l'opinion publique à l'importance de la liberté académique, un fondement crucial pour nos activités universitaires. Les pressions politiques exercées sur le monde académique doivent être contrées pour garantir le bon fonctionnement des universités.

Le programme Erasmus+ est largement soutenu par le Parlement européen et offre des opportunités de mobilité internationale pour de nombreux étudiants. Comment Sorbonne Université bénéficie-t-elle de ce programme et quelles améliorations ou évolutions espère-t-elle voir à l'avenir ?
B.H. :
Dans sa résolution de janvier 2024, le Parlement européen exprime son soutien au programme Erasmus+, lequel offre à de nombreux étudiants et étudiantes la possibilité d'effectuer une mobilité internationale. Son analyse du fonctionnement actuel et ses suggestions pour des améliorations futures visent à simplifier le programme et à élargir son déploiement afin de favoriser la diversité.
Sorbonne Université adhère à cette vision visant à faire du programme Erasmus+ un « programme citoyen », en accord avec notre stratégie tendant à offrir une éducation européenne à toutes nos étudiantes et à tous nos étudiants, y compris aux professionnels participant à des formations tout au long de leur vie, au sein de l'Alliance 4EU+.
Dans ce cadre, il est important que les certifications obtenues à l’issue des formations soient reconnues dans toute l’Europe. Sorbonne Université soutient la demande du Parlement européen de définir des critères communs pour les micro-certifications, attestant ainsi des compétences acquises et garantissant leur portabilité totale.

Quelles sont les attentes de Sorbonne Université vis-à-vis du futur Parlement européen en termes de politiques et de soutien à la recherche, à l'enseignement et à l'innovation ?
B.H. :
Sorbonne Université attend du futur Parlement européen qu’il maintienne et renforce son engagement en faveur de la recherche et de l'enseignement, dans l'intérêt des citoyennes et citoyens européens. Les prochains parlementaires sont appelés à soutenir un budget Horizon Europe à la hauteur des ambitions de l'Europe, avec un investissement de 200 milliards d'euros dans des programmes civils et une simplification administrative. 
Nos missions de recherche, innovation, formation et service à la société sont intimement liées et s’inscrivent dans un continuum cohérent. Il revient au futur Parlement européen de négocier une compétence partagée en matière d'éducation supérieure entre l'UE et les États membres, pour autoriser l’Europe à financer des programmes de formation. Cette démarche nous permettra de proposer des projets intégrés de recherche et de formation au niveau de l'Alliance 4EU+, ainsi que des formations spécialisées directement liées aux projets de recherche d'excellence.

Les activités et décisions du Parlement européen au cours de sa dernière mandature étaient favorables à la stratégie de Sorbonne Université. Nous sommes très attentifs aux prochaines élections, qui vont déterminer si la recherche et l’enseignement pourront continuer à se développer au niveau européen. 
 

La science au Parlement européen

Le « Service de recherche du Parlement européen » est un centre de recherche et de réflexion interne. Conformément à sa devise « L’émancipation par la connaissance », il fournit aux parlementaires des analyses indépendantes pour leur permettre de prendre leurs décisions sur la base de faits scientifiquement valables. Cette approche, inédite en France, place la science au cœur des débats et affirme son importance pour prendre des décisions politiques.