Piscine. Image d'illustration
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Allons à la piscine pour faire de la physique

Interview de Jean-Michel Courty, spécialiste de la physique quantique et professeur à Sorbonne Université.

Les 27 et 28 septembre, à l’occasion du festival « Sur les épaules des géants », au Havre, Jean-Michel Courty, professeur à Sorbonne Université animera une conférence… dans une piscine pour répondre à de nombreuses questions : Pourquoi flottons-nous ? Comment varie la pression avec la profondeur ? Que voient les poissons ? Comment créer des tourbillons ? Il sera accompagné des scientifiques Roland Lehoucq (CEA) et Édouard Kierlik (Sorbonne Université). Jean-Michel Courty est un spécialiste de la physique quantique, il s’est notamment intéressé à la limite ultime des instruments de mesure. L’essentiel de son activité est aujourd’hui dédié à la médiation, la vulgarisation et l’enseignement.


Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans la vulgarisation ?

Je suis un gros consommateur et passionné de vulgarisation depuis que je suis jeune. J’ai commencé à lire Science et Vie quand j’étais au collège. Puis progressivement, j’ai lu toutes les revues de vulgarisation. Après, à partir de la quatrième ou de la troisième, je faisais régulièrement le trajet de Chartres à Paris pour passer des journées entières au Palais de la Découverte. Il y avait donc cette envie de redonner tout ce qui moi m’avait motivé.

Comment ce travail de vulgarisation a-t-il été perçu par vos pairs et par votre laboratoire ?

J’ai la chance d’être dans un laboratoire où ça a été perçu de manière positive et bienveillante (le laboratoire Kastler Brossel). Les collègues le voyaient bien parce que ça n’empiétait pas sur mes activités de recherche. Autrement dit, comme je disais, c’était la cerise sur le gâteau mais j’ai toujours veillé à ce que la cerise ne remplace pas le gâteau. Au delà du temps, ce travail de vulgarisation devait être d’un niveau de qualité digne du laboratoire.

Vous pratiquez la vulgarisation depuis plus de 20 ans, quelles évolutions avez-vous pu noter ?

La première chose est que la vulgarisation se pratique plus et est mieux vue. On voit bien qu’il y a plein de jeunes qui s’y lancent alors qu’à mon époque, on était peu nombreux. Il y a également plus de reconnaissance au niveau institutionnel. Par exemple, le CNRS, sous l’impulsion du ministère de la Recherche, a créé la médaille de la médiation scientifique en 2021 dont j’ai été lauréat lors de la première édition.

Lors du festival « Sur les épaules des géants », vous allez animer une conférence un peu particulière où votre public devra venir en maillot de bain…

Oui, grâce à l’organisation et au soutien du festival, nous avons créé « Physique à la piscine ». C’était une idée que l’on a eu il y a 30 ans avec mes collègues Roland Lehoucq (astrophysicien au CEA) et Édouard Kierlik (professeur à Sorbonne Univerité) mais qu’on n’avait jamais pu mettre en place. Tout simplement parce que l’idée était de faire se rencontrer le public et les médiateurs pour faire des expériences dans une piscine, l’organisation et la logistique étaient donc complexes. Avec l’appui de l’équipe d’organisation du festival, nous avons pu monter cette activité l’année dernière et on recommence cette année.

Vortex en piscine. Merci la physique.

Concrètement, à « Physique à la piscine », tout le monde est dans l’eau parce que l’idée c’est d’expérimenter et de ressentir les choses. De faire le lien entre la physique et les sensations. Il y a une partie autour de la poussée d’Archimède où on a des boules de bowling, certaines qui flottent, certaines qui ne flottent pas car on utilise les boules pour les amateurs, toutes de même taille, mais avec des boules légères pour les enfants (2,5 kg) qui flottent très bien à lourde (8 kg) qui coulent instantanément.

Il y a également une séquence autour de l’optique. Il « y a par exemple une expérience classique où l’on trempe un crayon en biais dans un verre d’eau et l’on a l’impression que le crayon est cassé au niveau de la surface de l’eau. Cette expérience, on la fait avec une perche de maître-nageur. Donc c’est beaucoup plus surprenant.

On va également étudier les effets d’optique autour de la réfraction de la lumière : le fait que quand la lumière passe d’un milieu à l’autre, elle va changer de direction.

Après la piscine, les festivaliers pourront également se rendre à la fête foraine, pour y faire quels types d’expériences ?

Pour « Physique à la fête foraine », on va évoquer les notions de force : quelles sont les forces que l’on va ressentir quand on est dans des manèges ? L’idée c’est d’aller dans le manège, de ressentir ses forces, de pouvoir aussi, éventuellement mesurer ces forces avec un smartphone, on a une application (phyphox) qui donne accès aux capteurs et notamment à l’accéléromètre qui permet de mesurer les accélérations et les forces que l’on ressent. Il y a une fête foraine au Havre en même temps que le festival. On aussi va faire des autos tamponneuses, on va donc étudier les chocs.

Tous les groupes ne seront pas en même temps dans le manège. Cela signifie qu’il va y avoir à la fois une personne dans le manège, pour ressentir les choses, mais aussi une à l’extérieur du manège pour voir ce qui se passe. Du point de vue de la physique, c’est super intéressant. C’est ce qu’on appelle les changements de référentiel : pouvoir discuter d’un même phénomène physique mais avec des points de vue différents.

Quelles seront les suites de ces projets de vulgarisation ?

C’est la première fois que l’on va faire « Physique à la fête foraine », l’idée c’est aussi d’expérimenter, de voir comment les gens réagissent, ce qu’ils ressentent et de pouvoir faire évoluer. Par exemple, pour « Physique à la piscine » cette année, il y aura des évolutions par rapport à l’an dernier. On a eu des idées, une fois que l’on était dans l’eau avec les gens et on commence à transmettre ce qu’on a mis au point à des professeurs de physique ou des médiateurs. Dans toutes ces choses là, il y a tout ce qu’on peut préparer en amont et puis une fois qu’on est sur place, avec les gens ça ouvre d’autres perspectives.


Jean-Michel Courty, Physicien, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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