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4 questions à Barthélémy JOBERT, chef de projet Delacroix Numérique

« Grâce au soutien de Schmidt Sciences, notre projet Delacroix Numérique va connaître un véritable coup d’accélérateur »

La Fondation Sorbonne Université remercie chaleureusement Schmidt Sciences pour son généreux soutien au projet Delacroix Numérique, l’une des initiatives majeures de Sorbonne Université à la croisée de l’Histoire de l’Art et de l’Intelligence Artificielle.

Un nouveau programme d’IA en humanités numériques offre une compréhension approfondie de Delacroix : lire le communiqué de presse.

1. Vous êtes l’initiateur du projet "Delacroix numérique". Comment est né ce projet ?

Le projet "Delacroix numérique" est né de ma volonté de revisiter l’œuvre d'Eugène Delacroix en utilisant les outils modernes de l’Intelligence Artificielle et des humanités numériques. Avec Gaëlle LAFAGE, ingénieure d’études au Centre André Chastel, nous élaborons les contours du projet depuis un certain nombre d’années, déjà.

Grâce à la numérisation des écrits de Delacroix et de la critique de son œuvre réalisée avec l’Observatoire des textes, des idées et des corpus (ObTIC), nous avons déjà pu réaliser une analyse approfondie et pertinente des textes qu’il nous faut maintenant sécuriser.

Parallèlement, nous avons travaillé avec SCAI, Sorbonne Center For Artificial Intelligence, dont la collaboration est essentielle afin d’explorer l’utilisation d’une couverture photographique numérique de haute qualité, et ce, dans deux directions. D’une part, il s’agit de réaliser une reconstitution virtuelle des grands décors de Delacroix, et d’autre part, de mettre en place une analyse algorithmique permettant de distinguer les éléments propres à Delacroix de ceux réalisés par ses collaborateurs. Le SCAI a ainsi désigné deux de ses ingénieurs pour nous assister : Nicolas Leys, ingénieur en visualisation et Baptiste Gregorutti, data scientist, pour coordonner l’aspect IA stricto sensu.

Actuellement, la bibliothèque de l’Assemblée nationale, l'un des travaux décoratifs les plus complexes et ambitieux de Delacroix, sert de terrain d'expérimentation. Cette première analyse nous permettra d'étendre notre étude à d'autres œuvres de ce type (le Sénat, l'église Saint-Sulpice, le Louvre) et même à ses tableaux grands formats, pour lesquels nous avons déjà obtenu quelques résultats prometteurs.

Nous nous appuyons également sur les compétences du LAMS (Laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale de Sorbonne Université) qui, grâce à une étude physico-chimique de la matérialité des œuvres, pourra contribuer à définir qui d’Eugène Delacroix ou de l’un de ses disciples est l’artisan de telle ou telle partie du décor de la bibliothèque de l’Assemblée Nationale

2. Quel est le but de ce travail numérique autour de Delacroix et de son œuvre ?

Notre principal objectif est de rendre l'œuvre de Delacroix encore plus accessible au grand public. Lors de la restauration des décors de l’église Saint-Sulpice à laquelle j’ai contribué au sein du comité scientifique, une conviction s'est imposée : celle de faciliter l’accès à ces magnifiques décors, étant donné que les visiteurs n’ont pas toujours l’opportunité de les observer de près. C’est ainsi qu’est née l’idée de créer des reconstitutions virtuelles des décors peints par Delacroix.

Récemment, les décors de la Bibliothèque de l’Assemblée Nationale ont fait l’objet d’une remarquable restauration. Les échafaudages construits pour l’occasion nous ont permis de collecter à moindre frais des dizaines de milliers de photos pour concevoir un modèle de visite virtuelle selon un chemin tracé. Ce n’est pas celui auquel nous souhaiterions aboutir à terme car nous préfèrerions que le visiteur puisse se promener de lui-même mais le résultat est tout de même déjà assez bluffant.

A travers l’analyse numérique des textes, des peintures, des dessins et même des matériaux, nous souhaitons d’abord améliorer la compréhension du processus créatif d’Eugène Delacroix.

3. Justement, dans ce projet, Delacroix Numérique, figure aussi l’idée de la reconstitution virtuelle d’un autre décor : celui du Salon de la Paix à l’Hôtel de Ville de Paris. Comment cela peut-il se faire puisque ce décor a disparu ?

La démarche est un peu différente ici, puisque nous allons travailler avec de l’IA générative. A partir des travaux préparatoires de l’artiste, des gravures et rares photographies d'époque ou dessins existants, il s’agit de reconstituer en 3D le décor du Salon de la Paix de l’Hôtel de Ville parti en fumée dans l’incendie de 1871. Il est impossible à ce stade de dire si cela sera effectivement réalisable mais nous avons les compétences et les outils nécessaires pour y travailler.

4. Début février, au sommet de l’IA à Paris, Sorbonne Université a annoncé le soutien exceptionnel de SCHMIDT SCIENCES au projet. Pourquoi ce mécénat est-il important ?

Ce mécénat est crucial car il nous permet de poursuivre le projet dans de meilleures conditions. C'est un véritable coup d'accélérateur !

Bien qu'issu de l’histoire de l'art, ce projet rassemble de multiples compétences. Cette approche pluridisciplinaire en fait une initiative unique. Les perspectives sont immenses car inexplorées jusqu’alors. Notre objectif est de devenir les premiers au monde à établir une méthodologie de travail innovante, utilisant l’IA, pour identifier les différentes mains ayant contribué à l'exécution d'un décor ou d'une peinture.

Schmidt Sciences, développant un axe de philanthropie sur l’Intelligence Artificielle et le Patrimoine à travers le Humanities and AI Virtual Institute (HAVI), confirme notre capacité à mobiliser les meilleurs experts dans les deux domaines.

Ce soutien renforce la légitimité du projet et nous permet de recruter des chercheurs post-doctorants en IA et histoire de l’art, tout en assurant les ressources nécessaires pour approfondir nos recherches. Il va accélérer la validation de nos hypothèses et la mise à disposition de résultats concrets et innovants pour le public.

Par ce soutien philanthropique, la Fondation Sorbonne Université est heureuse de pouvoir participer à l’accélération de projets pluridisciplinaires ambitieux, au cœur de la stratégie de l’université 

A propos de Schmidt Sciences

Schmidt Sciences est une organisation à but non lucratif fondée en 2024 par Eric et Wendy Schmidt, qui œuvre pour accélérer les avancées scientifiques et les découvertes en mettant à disposition les outils les plus prometteurs et avancés afin de favoriser un monde prospère. L'organisation concentre ses efforts sur des domaines de recherche à fort impact, notamment l'intelligence artificielle et l'informatique avancée, l'astrophysique, les biosciences, le climat et l'exploration spatiale. Elle soutient également les chercheurs de diverses disciplines à travers son programme dédié aux systèmes scientifiques.