Traité mondial contre la pollution plastique : des scientifiques au cœur des négociations
Plusieurs chercheuses et chercheurs de Sorbonne Université ont participé au dernier cycle de négociations pour un traité international contre la pollution plastique à Busan, en Corée du Sud, qui s’est achevé sans accord. Alors qu’une ultime session est prévue à l’été 2025, les scientifiques espèrent peser davantage dans les négociations face au lobbying pétrolier.
Ce n’est pas pour cette fois. Le cinquième et dernier cycle de négociations qui s’est tenu en Corée du Sud du 25 au 1ᵉʳ décembre n’est pas parvenu à déboucher sur un accord pour limiter la production de plastique à l’échelle mondiale. Ces pourparlers, qui ont débuté il y a deux ans sous l’égide de l’Unep, le Programme des Nations unies pour l’environnement, visent à la signature d’un traité international contraignant sur la pollution plastique. La précédente session avait eu lieu en avril à Ottawa.
« Une avancée importante »
Pour Marie-France Dignac, directrice de recherche à l’Inrae et membre de l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris (IEES-Paris), un organisme rattaché à Sorbonne Université, ces négociations ne sont pas un échec. « La session à Busan a permis de voir de nombreux pays prendre position pour un traité ambitieux, en particulier sur la question de la réduction de la production, soutenue par plus de 100 pays. C'est donc une avancée importante », estime la chercheuse, spécialiste de la pollution des sols et qui a participé à la session de Busan.
D’après des chiffres de l’Unep, seule une infime quantité de plastique, moins de 10 %, a été recyclée sur les quelque neuf milliards de tonnes produites dans le monde jusqu’à aujourd’hui. Résultat : environ 200 millions de tonnes de plastiques se déversent dans les océans, alimentés par les cours d’eau, et forment un nouvel écosystème dénommé la « plastisphère ». En l’absence de mesures efficaces, l’Unep estime que les rejets de déchets plastiques dans les milieux aquatiques pourraient tripler d'ici à 2040.
Des mesures qui passent notamment par la réduction de la production de plastique primaire, c’est-à-dire avant qu’il ne soit transformé. « La majorité des déchets sont enfouis dans des décharges ou incinérés », explique Jean-François Ghiglione, spécialiste du plastique dans les milieux marins et directeur de recherche à l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer (Sorbonne Université/CNRS). Comme Marie-France Dignac, Jean-François Ghiglione fait partie de la coalition internationale des scientifiques, un réseau qui regroupe des chercheurs et des experts indépendants dont le but est d’apporter des ressources sur le cycle complet du plastique, disponibles en plusieurs langues.
Le lobbying pétrolier, un adversaire de taille
Avec plus de 400 chercheuses et chercheurs dont certains issus de Sorbonne Université comme Gabin Colombini, postdoctorant à l’Institut d’écologie et des sciences de l'environnement de Paris et Muriel Mercier-Bonin, chercheuse à l’Inrae, cette coalition a joué un rôle fondamental dans les différents cycles de négociations sur le traité international afin de mettre fin à la pollution plastique. « Au fil des sessions de négociations, on a entendu des prises de parole des pays qui faisaient de plus en plus référence aux faits scientifiques, comme, par exemple, aux impacts des microplastiques sur la santé », précise Marie-France Dignac.
Mais face à l’importance du secteur pétrolier et des lobbys qui le représentent, les discussions se sont enlisées durant toute la semaine. Les pays adhérant à la Coalition de la haute ambition, ayant pour objectifs de limiter radicalement la consommation et la production de plastique et dont la France fait partie, se sont heurtés à un petit groupe d’États producteurs de pétrole menés par la Russie, l’Arabie saoudite et l’Iran, cherchant à limiter l’application du traité à la gestion des déchets et au recyclage.
« Je continuerai à me mobiliser »
« Il vaut mieux ne rien avoir ici que d’avoir un traité faible », a déclaré Sam Adu-Kami, négociateur en chef du Ghana. « On comprend que les négociations sont difficiles avec les pays producteurs de pétrole, surtout quand on sait que plus de 10 % du pétrole est aujourd’hui produit pour la plasturgie. Le problème de la pollution plastique est complexe. Concilier une économie très caritative, mais polluante avec des ambitions écologiques planétaires, n’est jamais simple », déplore Jean-François Ghiglione.
Pourtant, tout espoir n’est pas perdu. Les discussions reprendront d'ici à l'été 2025 auxquelles participeront une fois encore Jean-François Ghiglione et Marie-France Dignac. « Ayant acquis la confiance de nombreux pays grâce à l'indépendance des scientifiques impliqués, sans conflit d’intérêt, notre rôle continue à être essentiel pour obtenir un traité ambitieux et pour la mise en place des dispositions qu'il contiendra. Je continuerai à me mobiliser », affirme la chercheuse.
Guillaume Sergent