Pollution plastique : vers un traité mondial limitant la production ?
À Ottawa, les négociations visant à signer un traité international limitant la pollution plastique ont avancé dans le bon sens lors d’un avant-dernier cycle qui s’est achevé mardi 30 avril. Un sommet placé sous l’égide des Nations unies et auquel étaient présents Marie-France Dignac et Jean-François Ghiglione, deux chercheurs à Sorbonne Université. L'établissement est la première université française à être accréditée par le Programme des Nations unies pour l'environnement, lui permettant de prendre part aux négociations internationales.
Un pas de plus vers la fin du plastique. Lors du quatrième cycle intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique qui s’est tenu du 22 au 30 avril à Ottawa (Canada), les représentants de 175 pays ont discuté d’un texte visant à limiter la production de cette bombe à retardement écologique à l’échelle mondiale. L’objectif de ces négociations, dont le dernier tour aura lieu à l’automne prochain en Corée du Sud, est d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, notamment dans le milieu marin, alors que la production mondiale a atteint 353 millions de tonnes en 2019 (dont seulement 9 % ont été recyclées), selon l’OCDE.
Un pas en avant vers un traité mondial
Une avancée fulgurante par rapport au précédent cycle de négociation, qui s’est tenu l’année dernière à Nairobi (Kenya), et où les délégués avaient « tourné en rond », selon Santos Virgílio, négociateur en chef de l'Angola. « Il n’y avait pas eu de conclusions. On était arrivé à un texte illisible de 70 pages », déplore Marie-France Dignac, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et membre de l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris (Iees), un organisme rattaché à Sorbonne Université.
Au cours de cette session qui vient de s’achever, 28 pays, dont la France, ont signé une déclaration sur les polymères plastiques primaires, les matériaux qui forment la base de la fabrication des plastiques, afin de réduire leur production. Le Rwanda et le Pérou se sont même engagés à réduire de 40 % leur production entre 2025 et 2040. « On demande à ce que les industriels fassent preuve de plus de transparence en dévoilant notamment la liste des additifs chimiques. On en dénombre plus de 16 000 dans les plastiques vendus dans le commerce, dont 3 000 sont dangereux », prévient Jean-François Ghiglione, directeur de recherche CNRS à l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer (Sorbonne Université/CNRS).
Avec Marie-France Dignac, ce biologiste de formation qui s’est tourné vers l’écotoxicologie, une discipline qui étudie les effets des substances toxiques sur l’environnement, a contribué à aiguiller les représentants de plusieurs pays à distinguer le vrai du faux. « On essaie de mettre fin à des idées reçues comme les plastiques biodégradables, qui ne se dégradent pas aussi bien qu’on le pense. C’est un marché qui ne décollera pas », insiste Jean-François Ghiglione. Le chercheur s’insurge également contre la présence accrue des représentants des lobbies au sommet, qui représentaient environ 10 % des personnes présentes, et tentent d’influencer les pays les moins développés. « Ils étaient présents pour dire n’importe quoi, par exemple qu’il n’y a pas de produits chimiques ajoutés dans une bouteille d’eau en plastique », poursuit Jean-François Ghiglione.
« Le plastique se voit à tous les échelons de la chaîne alimentaire »
Si les lobbies étaient plus nombreux (+37 % par rapport à la dernière session), le nombre de scientifiques était aussi en hausse avec 59 chercheuses et chercheurs indépendants venus du monde entier pour représenter la coalition scientifique internationale pour un traité contraignant qui compte aujourd’hui plus de 350 scientifiques dans le monde. Spécialiste des sols et du cycle du carbone, Marie-France Dignac travaille depuis une dizaine d’années sur l’impact de la pollution plastique sur les sols. Un sujet qui « n’est pas encore très bien compris », explique la chercheuse, et qui touche notamment les sols agricoles. D’après une étude menée par le post-doctorant Gabin Colombini, la quantité de microplastiques accumulée sur un sol agricole peut atteindre plus de 400 kg par hectare au bout d’une vingtaine d’années, soit l’équivalent d’environ 1 400 bouteilles de 50 cl par ha. Et qui finira potentiellement dans nos assiettes.
« La pollution plastique est visible à tous les échelons de la chaîne alimentaire », ajoute Jean-François Ghiglione, qui rappelle que la Méditerranée est la mer la plus polluée du monde. « Dans certaines zones, on compte autant de microplastiques que de zooplancton, dont se nourrissent les poissons. On dénombre plus de 14 000 mammifères et 1,4 million d’oiseaux marins qui meurent de l’ingestion de plastique chaque année. Je le vois, c’est en face de chez moi », affirme-t-il. D'ici à la fin de l’année, l’ultime cycle de négociation devrait aboutir à un traité visant à mettre fin à la pollution plastique. « Il faudrait réduire la production de plastique de 70 % pour rester dans les accords de Paris », rappelle Marie-France Dignac. Une tâche qui promet d’être de longue haleine.
Publication du recueil « Le plastique : un poison si pratique »
Une quarantaine de chercheuses et chercheurs de l'Alliance Sorbonne Université ont rédigé vingt fiches sur la problématique du plastique, animés par le souci de la pédagogie et l’impératif de la rigueur. Les auteures et auteurs sont chimistes, agronomes, microbiologistes, virologues, écotoxicologues, neuroendocrinologues, écologues, océanographes, biologistes marins… Seule une telle variété de compétences permet d’approcher une crise d’ampleur universelle comme celle de la pollution plastique.