À Paris, le retour des pollinisateurs sauvages
Au printemps 2020, alors que les Parisiens restaient confinés à leur domicile, c’est toute la biodiversité urbaine qui a repris possession des espaces verts de la capitale.
Avec un entretien a minima, de nombreuses espèces de plantes sauvages ont été libres de se développer dans les pelouses et les haies ; tandis que les oiseaux, mammifères et insectes se sont réapproprié les espaces délaissés.
Lors du déconfinement, cette effervescence s’est révélée à des Parisiens avides de nature. Ceux-ci ont alors redécouvert la richesse d’une faune et d’une flore qu’ils côtoient tous les jours sans les remarquer. Une biodiversité que la ville de Paris tient notamment à valoriser à travers son nouvel Atlas de la nature à Paris.
À l’assaut des prairies parisiennes
À la faveur d’un printemps particulièrement doux et en l’absence de tonte, les pelouses des parcs et jardins se sont progressivement transformées en prairies, accueillant pâquerettes, renoncules, cirses, etc. Une aubaine pour les insectes pollinisateurs sauvages.
Moins connus que la célèbre abeille à miel ou abeille domestique, les autres insectes pollinisateurs sont pourtant essentiels. Papillons, syrphes, abeilles sauvages… C’est leur diversité qui fait leur force et assure une pollinisation optimale des plantes à fleurs.
Il existe de nombreuses espèces d’abeilles sauvages – près de 1 000 en France. Aucune ne produit de miel, et la plupart sont solitaires.
Pour ces abeilles, pas de ruche ! Certaines creusent leur nid dans le sol, tandis que d’autres s’installent dans les tiges creuses. Ce sont ces dernières que l’on peut apercevoir dans les fameux « hôtels à insectes ».
Plus de 87 espèces d’abeilles sauvages à Paris
Dans les parcs de la capitale, on en a déjà répertorié 87 espèces. Mais l’on en découvre sans cesse de nouvelles qui avaient jusque-là échappé aux inventaires.
Certaines sont dites généralistes et butinent volontiers sur une large gamme de fleurs, dont celles des arbres, arbustes et plantes horticoles. D’autres sont spécialistes et ne visitent que certaines espèces bien précises de plantes sauvages. Ces abeilles spécialistes sont donc plus rares et plus vulnérables.
L’assortiment d’abeilles parisiennes diffère toutefois de ce que l’on peut trouver dans les milieux naturels. La ville agit comme un filtre qui ne laisse s’installer que certaines espèces. À Paris, par exemple, il y a relativement peu d’abeilles terricoles, comme les Andrènes. Ces abeilles peinent à y trouver des étendues de terre nue, indispensables pour creuser leur nid.
Globalement, les abeilles sauvages urbaines sont plutôt grosses. La ville semble être un milieu favorable pour des espèces trapues telles que les abeilles maçonnes (Osmies), les abeilles coupeuses de feuilles (Mégachiles), et la plus massive, l’abeille charpentière (Xylocope).
On y trouve également plusieurs espèces de bourdons, qui sont aussi des abeilles sauvages. Mais ceux-ci sont sociaux, et leurs nids accueillent jusqu’à une centaine d’ouvrières. Le bourdon des champs (Bombus pascuorum), en particulier, peut se révéler très abondant dans les parcs et jardins.
Des saisons chamboulées
C’est sans doute la disponibilité en nourriture et en sites de nidification qui détermine quelles espèces peuvent s’installer en ville. Les abeilles ont besoin du gîte et du couvert, et certaines peuvent trouver leur compte dans les espaces verts urbains. Encore faut-il qu’elles supportent un milieu majoritairement très minéral, où les îlots de végétation sont rares et fragmentés.
C’est par ailleurs tout le calendrier des abeilles qui peut être perturbé en ville. Le climat y est plus chaud, c’est le phénomène des îlots de chaleur urbains. Et on y trouve en outre de nombreuses plantes exotiques et horticoles, qui peuvent fournir de la nourriture aux abeilles, même au cœur de l’hiver. Déboussolées, les abeilles perdent la notion du temps et les successions saisonnières naturelles s’en trouvent modifiées.
Malgré ces perturbations, les pollinisateurs urbains demeurent capables d’assurer une pollinisation efficace de certaines plantes. C’est ce que nous avons démontré grâce à deux plantes de référence, la moutarde blanche et le lotier corniculé. Cultivées parallèlement dans des parcs parisiens et des milieux naturels d’Île-de-France, elles ont produit davantage de graines en ville. La pollinisation s’est d’ailleurs révélée efficace même hors-saison, grâce à de petites abeilles sauvages plus précoces à Paris et à une forte fréquentation par des bourdons.
Favoriser la diversité des pollinisateurs urbains
Les abeilles sauvages répertoriées à Paris demeurent toutefois des espèces très communes, ce qui soulève des questions.
Certains espaces verts urbains abritent-ils davantage de diversité que d’autres ? Pourrait-on en tirer des leçons sur les modes de gestion favorables aux insectes pollinisateurs ? En association avec les services de la ville de Paris, les chercheurs continuent d’explorer cette biodiversité urbaine et de proposer des pistes pour favoriser la nature en ville.
Pour rappel, 75 % des variétés de plantes cultivées en agriculture dépendent de la pollinisation pour assurer un rendement et une qualité convenables.
Dans le contexte du retour en grâce de l’agriculture urbaine, il apparaît donc essentiel de maintenir une faune pollinisatrice à la fois abondante et diversifiée. Ce petit monde peut alors assurer le succès d’activités qui conjuguent lien social, économie circulaire et protection de l’environnement.
Pour aider les pollinisateurs sauvages chacun à son échelle, la meilleure solution est encore de leur offrir des ressources florales variées, avec une préférence pour les espèces de plantes locales.
Ces dernières, que l’on peut installer dans son jardin ou sur son balcon, fournissent une nourriture de qualité aux insectes adultes ainsi qu’à leurs larves. Elles seront également bien accueillies par les oiseaux, et participeront à l’équilibre de l’écosystème local !
Vincent Zaninotto, Doctorant en écologie, Sorbonne Université
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.