Le sport au service de notre immunité
L'impact de l'activité physique sur le système immunitaire constitue un domaine de recherche en plein essor. Alors que Paris se prépare à accueillir les Jeux Olympiques 2024, nous allons explorer comment le sport peut être un allié de poids pour notre immunité, avec la chercheuse Delphine Sauce qui dirige l’équipe Immunopathogenèse des infections virales et vieillissement immunitaire.
Le système immunitaire est complexe et affecté par de nombreux paramètres. « Lorsque nous nous engageons dans une activité physique, la circulation sanguine s'intensifie, transportant les cellules du système immunitaire vers les sites potentiellement infectés ou blessés », explique la directrice de recherche Delphine Sauce. Mais ce n'est pas tout : le sport agit également comme un remède contre le stress chronique qui peut affecter le système immunitaire via la sécrétion de cortisol. A l’inverse, la libération d'endorphines, ces hormones du bien-être, crée un environnement propice à une réponse immunitaire saine en diminuant le risque de dépression, de stress ou d’anxiété.
Une pluralité de mécanismes en jeu
Le sport n'est pas seulement une bataille contre le stress, c'est aussi un allié pour contrôler son poids et sa masse grasse. Car le surpoids peut déclencher une inflammation chronique, entravant le bon fonctionnement du système immunitaire. De plus, l'activité physique stimule notre respiration, augmentant l'oxygénation et, par conséquent, la production de globules blancs, les soldats du front immunitaire. « Des études récentes menées sur des souris ont révélé que la pression exercée sur les os lors de la course induisait une stimulation mécanique qui envoie un message aux cellules souches hématopoïétiques à l’origine des cellules du système immunitaire, ajoute la chercheuse. Cela a pour effet de stimuler la croissance osseuse mais aussi de booster la production de lymphocytes, éléments clés de la défense immunitaire. »
Par ailleurs, un exercice régulier d'intensité moyenne diminue l'inflammation chronique délétère pour le système immunitaire et la santé en général. Enfin, faire du sport augmente la qualité du sommeil. En favorisant le sommeil plus profond et plus réparateur, cela permet au système immunitaire de mieux récupérer.
Varier le type d’activités
« Ce qui est important c’est d’avoir une variété d'exercices », affirme Delphine Sauce. Les exercices d'endurance, comme la natation et le cyclisme, favorisent la circulation, les fonctions cardiaque et respiratoire, et la production de cellules immunitaires. Pour les amateurs de musculation, les activités de résistance stimulent également la production de cellules immunitaires. Par ailleurs il est important de ne pas sous-estimer des activités plus modérées, telles que la marche ou le yoga, qui, bien que moins intensives, contribuent à réduire le stress, stimuler la circulation sanguine et contrôler son poids.
Faire du jardinage, prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur, marcher entre deux stations de métro, tout cela participe au maintien d’une activité régulière. « Dans les régions où la longévité est remarquable, indique la chercheuse, les centenaires maintiennent une activité physique qui se révèle clairement bénéfique. En Sardaigne, par exemple, les villages aux rues escarpées favorisent une vie active. C’est aussi le cas au Japon où les centenaires cultivent leurs petits jardins ou au Costa Rica, où les grands-parents participent activement à la vie quotidienne. Ces communautés ne mènent pas une vie sédentaire, et maintiennent une routine active tous les jours ».
Choisir la voie du milieu
« D’un point de vue général, les exercices modérés, c’est-à-dire ceux durant lesquels on peut continuer à parler pendant l'effort, sont toujours meilleurs que les exercices intenses », déclare Delphine Sauce.
Si l'exercice régulier induit une augmentation du nombre de cellules immunitaires circulant dans le sang, et leur capacité de réponse, des exercices très intenses peuvent, quant à eux, accroître la survenue d’infections nasopharyngées. « Il existe une fenêtre de vulnérabilité jusqu'à 4 jours après un exercice intense durant lequel le système immunitaire est particulièrement sollicité », précise la chercheuse. C’est pourquoi les athlètes de haut niveau intègrent des phases de récupération post-compétition pour permettre à leur système immunitaire de se reposer et éviter les risques accrus d'infections respiratoires.
Les recommandations, provenant d'organismes tels que l'Organisation mondiale de la Santé et le College of Sport Medicine, suggèrent de faire au moins 2h30 d'exercice modéré par semaine, réparties sur trois séances. Il faut bien sûr adapter ces efforts aux conditions médicales préexistantes. « Nous ne sommes pas tous égaux devant le sport et on ne va pas demander la même activité à quelqu'un de 70 ans qu'à quelqu'un de 20 ans, nuance la chercheuse. Et si on souffre d’un handicap, d’une maladie ou que l’on est enceinte, il faut ajuster la durée, la fréquence et l'intensité. »
Vers des entraînements personnalisés
Bien que les effets à long terme de l'exercice physique soient globalement bénéfiques, notre compréhension détaillée de son fonctionnement reste limitée. « A l’avenir, les recherches s’intéresseront aux mécanismes moléculaires à l'œuvre lors de l'activité physique. Il s'agira notamment de déterminer quels médiateurs influencent réellement les effets du sport, que ce soit au niveau hormonal, de la concentration en oxygène ou de certains métabolites. » Une meilleure compréhension de ces mécanismes permettrait un accompagnement plus personnalisé au quotidien. « Il sera possible d'individualiser les recommandations avec des programmes d'entraînement adaptés en fonction des besoins spécifiques de différents groupes de personnes, tels que les femmes enceintes, les sportifs de haut niveau, les personnes âgées, ou celles présentant des pathologies chroniques », précise Delphine Sauce.
Le sport devient une prescription accessible pour toutes et tous afin de préserver notre santé physique et mentale. Mais faire du sport ne va pas sans une hygiène de vie globale. « Une alimentation équilibrée, riche en fruits, protéines, glucides complexes et fibres, agit en tandem avec l'exercice pour préserver la barrière intestinale et optimiser les réponses immunitaires. L'hydratation, un sommeil suffisant et la gestion du stress sont également nécessaires à cette routine de vie », conclut la chercheuse.