Le projet PAQÉMO : la passion de la musique au service de l'éducation
Étudiant de Sorbonne Université, Jéricho Pierre-Noël a reçu le 19 juin 2024 le Grand Prix pour l’Accès à la culture de la fondation Charles Defforey de l’Institut de France.
À travers le projet PAQÉMO, mené au sein de l’association musicale et éducative à vocation sociale (AMEVS) qu’il a cofondée, Jéricho Pierre-Noël promeut l’accès à la musique pour les jeunes en Haïti, un moyen pour eux de se rencontrer, de s’exprimer et de se reconstruire. Il nous partage son engagement pour l’éducation musicale.
Crédits photo : Corentin Fohlen
Quel est votre parcours d’étude ?
Jéricho Pierre-Noël : Mon parcours a commencé en Haïti où j'ai suivi un double cursus en gestion/économie et en informatique. En 2021, j’ai poursuivi mes études en France, entamant une licence en informatique à Sorbonne Université. Cette année, je m'engage pleinement dans un double parcours : un master de musicologie spécialisé en Administration de la musique et du spectacle vivant à l'Université Paris-Saclay et un master de recherche à la faculté des Lettres de Sorbonne Université.
Pourquoi la musique est-elle si importante pour vous ?
J. P.-N. : La musique a toujours occupé une place centrale dans ma vie, grâce à l'influence de ma grand-mère, qui m'a initié très jeune à cet art. Après le tremblement de terre en Haïti, le 14 novembre 2011, ma grand-mère m'a offert mon premier violon, un geste qui a marqué ma vie. Cet instrument, rare dans ma ville natale, est devenu le catalyseur de ma passion et de mes rêves. J'ai joué dans de nombreux événements, que ce soit à l'église ou au sein de l'orchestre de mon école de musique. C'est en partie cette passion pour la musique qui m'a conduit en France, où j'ai souhaité non seulement approfondir mes connaissances, mais aussi partager et transmettre cette passion à d'autres.
En quoi la musique permet-elle de favoriser l’éducation ?
J. P.-N. : La musique est un vecteur puissant de lien social et d’expression des émotions. Pour moi, aider les personnes dans le besoin à travers la musique a une signification profonde. L'AMEVS que j'ai cofondée en 2022 avec Sargine Any Melissa Bernard et Dimitri Weissenberg, étudiant à la faculté des Sciences et Ingénierie, ne se contente pas de soutenir les jeunes ; elle contribue aussi au développement de toute la communauté. La musique, par son pouvoir fédérateur, est un formidable tremplin pour une transformation sociale positive. L’éducation musicale permet aux jeunes de se rencontrer, de s’exprimer et de se reconstruire, notamment dans des contextes difficiles.
Quel rôle a joué Sorbonne Université dans la création de votre association ?
J. P.-N. : Sorbonne Université a joué un rôle clé dans la création et le développement de notre association. Grâce à Pépite et au service de la vie étudiante, nous avons pu bénéficier d'un accompagnement précieux. Le financement par la CVEC nous a permis de lancer notre projet. Le service de la vie étudiante de la faculté des Sciences et Ingénierie a été à nos côtés dès les premières étapes, nous soutenant dans l'élaboration de notre stratégie et tout au long du développement de PAQÉMO. Les formations proposées par le bureau des initiatives étudiantes, ainsi que l’aide pour rechercher des partenariats, ont été des atouts majeurs pour nous.
Quel a été l’impact de l’association ?
J. P.-N. : L’impact de l’association a été considérable. La musique a permis de créer un véritable sentiment de fraternité et de proximité entre les membres de l’association. Au-delà des simples répétitions, il y a eu un réel partage de la musique et de ce que chacun avait à offrir. Nos concerts à Sorbonne Université, notamment les "Mardis en musique", organisés chaque premier mardi du mois à la bibliothèque de l'Atrium, ont non seulement offert au public universitaire un moment de détente, mais ont également permis de faire découvrir la richesse de la culture musicale haïtienne. Ces événements ont également renforcé les liens entre les étudiants, créant une camaraderie qui dépasse les frontières académiques. Voir l'intérêt et la sensibilité de la communauté de Sorbonne Université pour l'éducation et la culture me touche profondément. À travers PAQÉMO, je suis convaincu que chaque enfant touché par notre projet peut devenir un agent de changement positif dans sa communauté.
Décrivez-nous le projet PAQÉMO ?
J. P.-N. : Le projet PAQÉMO, ou Projet Artistique de Quartiers et Éducatif Musical en Orchestre, a pour but de promouvoir l’accès à la musique pour les jeunes, en construisant un écosystème où ils peuvent s’épanouir grâce à l’éducation musicale. Ce projet vise à renforcer la richesse musicale en Haïti et à offrir aux enfants la possibilité de faire de la musique une activité professionnelle tout en développant leur culture musicale. Nous organisons des accompagnements hebdomadaires pour des enfants qui sont souvent éloignés de la vie sociale et des activités de loisirs. Cela leur permet de se rencontrer, de tisser des liens et de retrouver de l’espoir. Par exemple, nous avons organisé un concours à Belladère pour sélectionner les meilleurs enfants de l’orchestre, et les lauréats auront la chance de venir à Paris en avril 2025 pour se produire en concert avec nos partenaires, en collaboration avec Orchestre à l’École. Ce concours et les préparatifs ont été rendus possibles grâce au financement que nous avons reçu cette année de l’université.
Comment avez-vous réagi en apprenant que vous aviez remporté le Grand Prix pour l’Accès à la culture de la fondation Charles Defforey de l’Institut de France ?
J. P.-N. : Quand l’Institut de France m’a contacté pour m’annoncer que j’avais remporté ce prix, j’étais profondément ému. C’est une victoire collective qui confirme l’importance du projet que nous avons initié avec l’association. Ce prix montre que, même en étant jeune et avec une association récente, un travail collectif acharné peut produire des résultats inespérés. J’étais également surpris, car je ne pensais pas que notre projet pouvait être reconnu à un tel niveau. Je suis extrêmement reconnaissant envers Sorbonne Université pour tout le soutien qu’elle nous a apporté, ainsi qu'envers tous nos partenaires, qui ont placé leur confiance en nous.
Quelles sont les prochaines étapes ?
J. P.-N. : Grâce à la récompense de 100 000 € reçue avec ce prix, nous allons pouvoir développer d’autres orchestres en Haïti, touchant potentiellement plus de 2000 enfants. Nous sommes en train de planifier une stratégie pour garantir le succès de ce déploiement. Nous espérons également que ce prix attirera de nouveaux partenaires en France et à l’international. Lors de notre dernière assemblée générale, de nombreux étudiants se sont engagés à nos côtés, ce qui est très encourageant. De plus, nous travaillons sur de nouveaux projets avec des professeurs de la faculté des Lettres, comme des concerts et des expositions, que nous espérons organiser sur plusieurs campus de Sorbonne Université. Nous envisageons également des collaborations avec l’Université Paris 8 et l’Université d’Évry Paris Saclay.
Avec le recul, que vous a apporté cette expérience associative ?
J. P.-N. : Pour moi, il est essentiel de s’engager dans une cause. S’impliquer dans la vie associative, que ce soit à Sorbonne Université ou ailleurs, permet de développer des compétences professionnelles, académiques et sociales. Cette expérience enrichit non seulement notre parcours universitaire, mais elle forge aussi des compétences précieuses, comme la collaboration, l’esprit d’initiative et la résilience, qui nous serviront tout au long de notre vie. Mon parcours montre l’importance de recevoir un accompagnement et de bénéficier d’un écosystème comme celui de Sorbonne Université. Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à notre réussite, notamment l’équipe du pôle éducatif de la vie étudiante, en particulier Rachel Fabre et Amine Jawhari, ainsi que l’équipe de Pépite Sorbonne Université, représentée par Sonia Zegel et Axelle Ferraille. Je remercie également ma famille, mes partenaires en France et en Haïti, ainsi que la communauté de Sorbonne Université qui nous a permis de concrétiser ce rêve.