« Avec PostGenAI@Paris, Sorbonne Université devient une force visible en IA »
Entretien avec Gérard Biau, directeur de SCAI.
Le 21 mai, en marge du salon Viva Technology, le président de la République a réuni les plus grands acteurs français de l’intelligence artificielle (IA) à l’Élysée. Parmi les actions phares pour soutenir cette priorité stratégique nationale, il a annoncé la création de neuf clusters IA dont l’un est piloté par le Sorbonne Center for Artificial Intelligence (SCAI). Gérard Biau, son directeur, nous en dévoile les ambitions.
Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les clusters IA annoncés par le président de la République ?
Gérard Biau : Les clusters IA sont des regroupements d’établissements de recherche, d’enseignement, et d’entreprises autour de projets en intelligence artificielle. Leur objectif est de stimuler la recherche, accélérer l'innovation, renforcer la formation en IA et promouvoir l'application de ces technologies dans divers secteurs d’activité. En France, neuf de ces clusters ont été sélectionnés dans le cadre d’un appel à projets lancé au printemps 2023. L’Alliance Sorbonne Université, via SCAI, a proposé le projet « PostGenAI@Paris », qui a été retenu, après un an de sélection exigeante devant un jury de scientifiques internationaux.
Qu’est-ce qui distingue votre projet des autres clusters IA ?
G. B. : Notre spécificité réside dans l’ampleur et la diversité des partenaires que nous avons réunis. Nous travaillons avec des institutions variées comme l’Université Paris-Panthéon-Assas, Sciences Po, la Fondation Sciences Mathématiques de Paris, le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), l’APHP, le Conseil économique et social, la Cour de Cassation et une trentaine d’entreprises allant de start-ups à des géants du numérique en passant par des grands groupes français.
Notre projet se distingue également par le nombre d’étudiants qu’il réunit (plus de 50 000), ainsi que par le large spectre de disciplines qu’il couvre, allant des mathématiques à la médecine, en passant par les lettres et sciences humaines et sociales. Cette approche nous permet de créer des synergies uniques et de proposer des solutions complètes et inclusives en lien avec toutes les dimensions de l’IA.
Quelle est la philosophie de « PostGenAI@Paris » ?
G. B. : Aujourd'hui l'IA générative se diffuse dans tous les secteurs d'activité et la décision technologique se mélange à la décision humaine. Il est donc nécessaire d’accompagner cette mutation en participant à la fois à la révolution technologique et en ayant un regard éthique et critique par rapport à l'utilisation de ces outils, leur réglementation et leur régulation dans la société.
En d’autres termes, nous voulons être un acteur clé de la recherche scientifique et technique tout en participant à la définition d’une utilisation éclairée de ces nouvelles technologies. Pour cela, nous visons à développer des solutions innovantes tout en formant les futurs experts de l’IA à tous les niveaux, de la licence au doctorat sans oublier la formation tout au long de la vie. Nous voulons également démocratiser les enseignements en IA, comme nous avions commencé de le faire à Sorbonne Université avec le programme Sorbonne.AI, qui a notamment permis la création d'une mineure en IA. Notre objectif est d’amplifier ces actions afin que l’IA ne soit pas réservée aux seuls experts, mais que tous les étudiants en médecine, en sciences, en lettres et sciences humaines puissent acquérir des compétences dans ce domaine afin de mieux répondre aux enjeux et défis actuels.
Quels sont les axes principaux de votre projet en termes de recherche, de formation et d’innovation ?
G. B. : Le projet s’articule autour de trois axes : les technologies de rupture, la santé future et les sociétés résilientes. Il est organisé autour de 21 projets d’accélération collaboratifs (PACs) qui regroupent des enseignants-chercheurs et des partenaires industriels. Impliquant souvent plusieurs établissements du clusters, ces PACs concernent aussi bien les aspects fondamentaux du domaine (comme les mathématiques, le machine learning, la vision par ordinateur), que l’IA appliquée à la médecine ou la prise en compte de son impact sur l’environnement ou ses enjeux juridiques.
Quel budget avez-vous obtenu pour ce projet et comment sera-t-il utilisé ?
G. B. : Le budget alloué à notre cluster est de 35 millions d’euros sur cinq ans. Ce financement sera utilisé pour soutenir nos projets de recherche, développer des programmes de formation et fédérer notre communauté. Cela inclut l'organisation de colloques, le financement de thèses et de post-doc, ou encore l’achat d’infrastructures technologiques comme un cluster de calcul. A ce budget alloué par l’Etat s’ajoutent des fonds industriels, qui permettront notamment de renforcer les partenariats au sein des PACs.
Quelles sont les prochaines grandes étapes à venir ?
G. B. : Nous allons continuer dans la dynamique qui est la nôtre depuis la création de SCAI. Depuis 5 ans, nous avons gagné plusieurs appels à projet compétitifs, le dernier en date étant le RHU AI-Triomph coordonné et porté par la Pr Magali Svrcek. Le cluster PostGenAI@Paris est une nouvelle étape qui marque un changement d’échelle. Avec ce projet, SCAI devient d'un outil au service non plus seulement de l'Alliance Sorbonne Université, mais aussi de tous les partenaires du cluster.
À court terme, notre priorité est de mettre en place une gestion administrative efficace pour coordonner ces multiples partenaires, et établir les instances de gouvernance du projet dont le conseil scientifique.
La deuxième étape sera de candidater à d'autres projets à une échelle internationale. Le président de la République a d’ailleurs annoncé un appel à projets pour des chaires internationales dans le domaine.
À long terme, nous espérons que notre cluster deviendra un acteur majeur de l’IA en Europe, capable d’attirer des talents internationaux et de générer des innovations de rupture. Pour cela, nous souhaitons faire émerger de nouvelles synergies et établir des collaborations solides entre nos partenaires en termes de recherche, de formation et d’innovation. Grâce à ce projet, Sorbonne Université devient une force visible en IA, qui compte au niveau national et international.