Le DIM C-BRAINS, un réseau francilien autour des neurosciences et des sciences cognitives.
Créé en février 2022, le domaine de recherche et d’innovation majeur (DIM) C-BRAINS lance un appel à projet Équipement.
Co-directeur du DIM C-BRAINS et directeur-adjoint de l’Institut du Fer à Moulin, le neuroscientifique Jean-Christophe Poncer nous explique les enjeux et les objectifs de cette initiative qui vise à fédérer le réseau académique et industriel francilien autour des neurosciences et sciences cognitives.
Dans quel contexte a été lancé le DIM C-BRAINS ?
Jean-Christophe Poncer : La Région Île-de-France soutient la recherche sur son territoire sur des thèmes porteurs qui bénéficient d’un réseau académique et industriel solide et organisé. C’est dans ce cadre qu’elle a souhaité soutenir C-BRAINS. Ce projet vise à comprendre le fonctionnement du cerveau et de la cognition afin notamment d’élucider et de traiter les affections neurologiques, neurodégénératives et psychiatriques. Labellisé pour 5 ans, C-BRAINS s’inscrit dans la lignée des précédents DIM qui ont structuré la communauté des neurosciences et sciences cognitives en Ile-de-France.
Convaincu que les neurosciences et sciences cognitives connaissent actuellement des révolutions conceptuelles et technologiques, j’ai réuni, suite à l’appel d’offres lancé par la Région à l’été 2021, une vingtaine de collègues de différentes disciplines du domaine et sites franciliens. Ensemble nous avons élaboré un projet commun et fédérateur. Nous avons sollicité le directeur de l’Institut de la Vision, Serge Picaud, qui a une grande expérience en valorisation et recherche translationnelle, ainsi que Virginie van Wassenhove, spécialiste de la cognition humaine à NeuroSpin (CEA Paris-Saclay), afin de coordonner ensemble l’élaboration du projet et son portage auprès de la Région. *
Quelles structures regroupe-t-il et quels sont ses objectifs ?
J-C. P. : Ce projet rassemble plus de 200 équipes de recherche en neurosciences et sciences cognitives réparties sur 17 sites académiques franciliens, ainsi que 41 partenaires industriels majeurs en santé, robotique, informatique et une vingtaine d'associations régionales.
Outre son objectif de fédération de l’ensemble de ces partenaires, C-BRAINS vise à faciliter le développement et l’accès aux technologies de pointe et favoriser le développement d’approches diagnostiques et thérapeutiques innovantes. Le projet a également pour ambition de promouvoir la formation d’une nouvelle génération de scientifiques, d’accompagner le transfert des connaissances et leur valorisation industrielle, mais aussi d’informer le grand public sur les enjeux de ces recherches et leur impact sur notre quotidien.
Quels sont ses grands axes de recherche ?
J-C. P. : Nous avons identifié trois grandes révolutions de la recherche en neurosciences et sciences cognitives actuelle qui définissent les trois axes prioritaires du DIM. La première concerne la génomique et ses applications, notamment pour la reprogrammation de cellules humaines en « neuro-organoïdes » reproduisant in vitro différentes structures du système nerveux central.
La seconde vise à développer des approches quantitatives pour l'exploration du comportement et de la cognition. L’un des enjeux est de favoriser le dialogue entre la recherche chez l'animal et la recherche chez l'humain afin d’explorer notamment l’impact du vieillissement ou de la pathologie et le bénéfice apporté par des approches thérapeutiques innovantes.
La dernière révolution est celle que représentent les approches de modélisation des réseaux neuronaux et l’intelligence artificielle (IA). Cette dernière entretient un rapport particulier avec la recherche en neurosciences dont elle se nourrit. La modélisation du fonctionnement neuronal permet d'enrichir les paradigmes d’IA. Réciproquement, la complexité des données générées par la recherche en neurosciences et en sciences cognitives rend désormais incontournable le recours aux outils d’IA afin de les exploiter.
Deux projets en lien avec les axes scientifiques prioritaires structurent le DIM. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J-C. P. : Le premier projet vise à mettre en réseau les différentes plateformes académiques de production de cellules souches humaines et de neuro-organoïdes en Île-de-France. L’objectif est triple : accélérer la production de ces modèles cellulaires humains en fournissant des équipements, promouvoir l’accès à un service mutualisé de production des cellules souches normales ou pathologiques, et favoriser la formation sur ces approches.
Le second a pour objectif de structurer et de mettre en réseau les plateformes franciliennes d'exploration comportementale et cognitive. L’ambition est aussi d’harmoniser les pratiques expérimentales entre différents sites et de développer des paradigmes expérimentaux stéréotypés afin d’alimenter une base de données accessible à l’ensemble de la communauté. Il s’agit enfin de favoriser la translation des paradigmes entre l’humain et l’animal.
Près de 450k€ seront consacrés à la coordination de ces deux réseaux de plateformes et près d’un million d’euros au total sera dédié à des investissements pour leur équipement.
Vous avez également monté un programme doctoral international.
J-C. P. : Environ la moitié du budget de fonctionnement du DIM est dédié à ce programme qui a pour vocation d'attirer les meilleurs étudiantes et étudiants de masters étrangers en doctorat dans des laboratoires d’Ile-de-France. Le premier appel d'offres, lancé en décembre 2022, concerne l'ensemble des équipes de neurosciences et de sciences cognitives franciliennes. La dynamique créée par ce programme C-BRAINS a convaincu l’Institut du Cerveau et le CEA de s’y associer pour financer au total une douzaine de contrats doctoraux par an.
La Fondation des Neurosciences de Paris, abritée par la Fondation Sorbonne Université, contribuera à rendre plus attractive la rémunération de ces contrats. Elle dotera les doctorantes et doctorants d’une allocation de 7000€ destinée à couvrir les frais d'installation, qui viendra s’ajouter à une dotation de 5000€ à vocation scientifique, soit 12000€ pour l'ensemble de la thèse. La fondation contribuera également à enrichir l’offre de formation doctorale dans le cadre de ce programme.
Votre action se tourne également vers les industries et le grand public, n’est-ce pas ?
J-C. P. : Avec notre coordinatrice scientifique, nous avons lancé plusieurs actions fédératrices pour promouvoir les interactions au sein de nos réseaux académique et industriel. Des journées annuelles, comme celle qui aura lieu à Paris le 8 février 2023, rassembleront la communauté pour faire émerger des collaborations scientifiques, des partenariats de valorisation, mais aussi des actions auprès du grand public ou des associations de patients. Avec le soutien de Medicen, le pôle de compétitivité santé de la région Île-de-France, nous voulons faciliter le rapprochement d’acteurs industriels et académiques afin de monter des projets scientifiques d’envergure.
Enfin, 500 000€ seront consacrés sur cinq ans à financer des actions spécifiquement destinées au grand public. Nous participerons bien sûr aux évènements déjà existants, comme « La Semaine du Cerveau » ou « La Fête de la Science », mais prévoyons également d’en créer de nouveaux, en lien avec des associations intervenant en milieu scolaire ou auprès de patients.
Sur notre site web, le public pourra bientôt découvrir des programmes associant chercheurs et cliniciens décryptant le fonctionnement du système nerveux, ses pathologies, mais aussi les avancées de la recherche francilienne et leurs applications. Notre site ambitionne de mettre à l’honneur la recherche francilienne, qui regroupe des leaders mondiaux en neurosciences et sciences cognitives, tant auprès du public français qu’auprès des scientifiques étrangers.
Vous lancez actuellement un appel à projet Équipement. À qui s’adresse-t-il ?
J-C. P. : Le DIM C-BRAINS est doté d’une enveloppe annuelle de 1,5M€ destinée à des investissements en équipement avec un fort potentiel structurant et un effet transformant à l’échelle régionale. Le premier appel à projet Équipement, lancé le 20 décembre 2022, s’étend jusqu’au 13 février 2023. Les projets devront de préférence s'inscrire dans l'un des trois axes prioritaires du DIM et pourront, le cas échéant, être associés à l'une des deux initiatives structurantes. Toutes les équipes de recherches franciliennes en neurosciences et sciences cognitives sont éligibles à ces financements. Cet appel à projet sera renouvelé chaque année.