Équipe littérature et culture italiennes
ELCI - UR 1496
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Unité de recherche
Les activités de l'équipe littérature et culture italiennes (ELCI) couvrent l’ensemble de la littérature et de la civilisation de langue italienne, du XIIIe au XXIe siècle. L’ouverture interdisciplinaire et l’ouverture internationale constituent les deux dimensions essentielles qui structurent les différentes activités. L’interdisciplinarité est assurée par la nature même des axes de recherche privilégiés, qui mettent en contact les chercheurs de l’ELCI (des italianistes qui ont souvent une double formation) avec des historiens, des philosophes, des francisants, des historiens de l’art, des spécialistes du théâtre.
Identification
Directeur : Davide Luglio
Directeur adjoint : Manuele Gragnolati
École doctorale de rattachement :
Civilisations, cultures, littératures et sociétés (ED020)
Maison de la recherche
28? rue Serpente
75006 Paris
Présentation
Projet quinquennal 2018-2023 : “Formes de vie”: esthétique, subjectivité et pouvoir dans la culture et la littérature italiennes du Moyen Âge à l’époque contemporaine
La littérature et les formes artistiques sont depuis toujours un instrument privilégié d’interprétation et de compréhension de la réalité, qu’elles représentent et constituent à la fois. À partir de ce constat notre projet se propose d’étudier le rapport qui lie l’esthétique à la subjectivité et au pouvoir dans la littérature et la culture italiennes du Moyen Âge à nos jours.
À l’intérieur de ce cadre général nous dégagerons quatre perspectives opérationnelles de recherche :
- Formes de déviation : subjectivité, textualité et critique
- Formes et figures de la déviance – amoureuses, littéraires et artistiques, politiques et religieuses… – dans la littérature italienne de la Renaissance
- Dramaturgies italiennes
- Ruptures et hybridations dans la culture italienne contemporaine. Pour une généalogie de la « Bioesthétique »
Formes de déviation : subjectivité, textualité et critique
Responsable : Manuele Gragnolati
On se penchera sur la figure de la déviation et les formes différentes qu’elle peut prendre ainsi que sur son potentiel critique par rapport au pouvoir. Il s’agit notamment de comprendre comment la littérature et l’art ouvrent un espace privilégié pour l’articulation de subjectivités marginales et critiques, quelles sont les formes textuelles et les poétiques spécifiques auxquelles donne lieu cette articulation, et dans quelle mesure des approches critiques permettant de mettre en évidence ces déviations peuvent aussi correspondre à des formes de vie. Le Moyen Âge constitue un domaine de recherche important dans cette perspective.
Nous nous intéresserons également à toutes les formes de subjectivé qui ne s’insèrent pas dans une logique normative d’identité, d’intelligibilité, d’autonomie, de progression ou de productivité, quelle que soit l'époque.
On se penchera sur la figure de la déviation et les formes différentes qu’elle peut prendre ainsi que sur son potentiel critique par rapport au pouvoir. Il s’agit notamment de comprendre comment la littérature et l’art ouvrent un espace privilégié pour l’articulation de subjectivités marginales et critiques, quelles sont les formes textuelles et les poétiques spécifiques auxquelles donne lieu cette articulation, et dans quelle mesure des approches critiques permettant de mettre en évidence ces déviations peuvent aussi correspondre à des formes de vie. Le Moyen Âge constitue un domaine de recherche important dans cette perspective. En particulier, la poésie lyrique italienne, qui provient de la tradition occitane mais affiche immédiatement sa propre originalité, semble paradigmatique de ce que l’on pourrait appeler la « forme du désir », c’est-à-dire la façon dont le langage et le mouvement du texte mettent en scène le désir et la subjectivité. Par exemple, avant Dante, les poèmes étaient des compositions occasionnelles séparées les unes des autres et n’étaient pas censées faire l’objet d’un recueil. De cette façon, l’individualité du sujet lyrique était moins évidente, plus poreuse et, si l’on suppose un rapport entre la forme du texte et la subjectivité qu’il constitue, on pourrait penser à une « errance sans erreur », c’est-à-dire une absence d’unité et à la possibilité de changer continuellement de position et de désir sans tomber dans une contradiction. À l’inverse, pour la première fois dans la littérature italienne, la Vita Nuova de Dante recueille des poèmes lyriques et, en les commentant dans un récit en prose avec un commencement et une fin, crée une autobiographie amoureuse et poétique idéale et téléologique. De cette façon la Vita Nuova ne donne pas seulement lieu à une identité individuelle bien définie, mais aussi à un nouveau type d’auteur – un prototype pour celui qui est devenu l’auteur moderne qui garantit l’unité de texte et en contrôle l’interprétation. Le pouvoir fort mais aussi ambivalent que cette forme de subjectivité exercera – au point qu’il ne semble plus possible de revenir sur le type de subjectivité sans développement ou cohésion qui la précédait – s’entrevoit déjà très bien dans les Rerum Vulgarium Fragmenta de Pétrarque. Celui-ci semble aspirer à l’unité mais en même temps résiste au processus linéaire de conversion au centre de l’œuvre de Dante et propose la forme d’une séquence lyrique délibérément errante qui est aussi celle du désir (re)présenté. De manière très différente on retrouve cette dimension déviante aussi déjà chez Boccace – par exemple dans sa façon de rassembler les nouvelles dans le Décaméron, de répéter et en même temps altérer les normes existantes liées au genre et à la sexualité, ou de montrer à la fois de la nostalgie pour le passé courtois et de la fascination pour la bourgeoisie émergeante – et chez Dante, même dans sa Divine Comédie, qui encore plus que la Vita Nuova est souvent considérée comme l’archétype d’une clôture où tout se tient . En fait, bien que l’œuvre dantesque nous frappe par sa recherche de cohésion, de contrôle et de progression qui ouvre à l’individualité moderne, elle s’en écarte bien plus que ce que la critique n’admet généralement. Ainsi non seulement la Divine Comédie fait réapparaître les traces d’un désir lyrique qui résiste à la conversion radicale du sujet, mais aussi son plurilinguisme défie toute norme ou cohérence, son eschatologie articule des emphases et des temporalités contradictoires par rapport à l’âme et au corps, et sa textualité explose et se fragmente vers la fin du Paradis. Ces tensions et contradictions deviennent visibles et significatives à travers les réécritures. Par exemple, les réappropriations de Dante par Aimé Césaire, Primo Levi et Pier Paolo Pasolini, mais aussi par Roland Barthes, Derek Jarman ou Nuruddin Farah signalent un Dante qui lie son engagement politique et sa condition d’exilé à une subjectivité passive, vulnérable et relationnelle tout à fait opposée à la force du nouvel individu qui s’impose au début du XIV siècle. L’enjeu méthodologique de cette approche consiste à considérer les réécritures et réappropriations, et même les traductions, d’œuvres canoniques non pas comme de mauvaises copies d’un original « sacré » mais, en suivant l’épistémologue Donna J. Haraway, comme des diffractions qui mettent en évidence des aspects auparavant inaperçus mais déjà présents comme potentialités dans le texte de départ. Il s’agit d’une déviation qui ne met pas en question la valeur d’un travail précis sur le texte et sa contextualisation historique, mais qui rejoint les méthodologies « queer » dans leurs récent intérêt pour les temporalités non-téléologiques et non-progressives ainsi que pour la relation entre esthétique et sexualité, désir et textualité, critique et forme de vie. Par conséquent, nous nous intéresserons à toutes les formes de subjectivé qui ne s’insèrent pas dans une logique normative d’identité, d’intelligibilité, d’autonomie, de progression ou de productivité mais qui, au contraire, s’articulent selon d’autres formes temporelles, comme la répétition, la suspension, ou l’inversion, et selon d’autres modalités, comme l’errance, la passivité, la fluidité, la contamination et l’échec. Ce champ de recherche s’étend donc aux auteur(e)s non seulement des XXe XXIe siècles – comme Levi, Pasolini, Elsa Morante, Mario Mieli, Carla Lonzi, Giorgio Pressburger, Aldo Busi, Patrizia Cavalli et Igiaba Scego – mais aussi à tou(te)s les auteur(e)s des siècles précédents qui défient les normes de leurs temps et résistent à celles-ci par des nouvelles formes de déviation.
Formes et figures de la déviance – amoureuses, littéraires et artistiques, politiques et religieuses… – dans la littérature italienne de la Renaissance
Responsable : Frédérique Dubard de Gaillarbois
Pas plus que le Moyen Âge, la Renaissance ne saurait être unilatérale ni univoque. Nous explorerons certaines des innombrables déviations possibles à l’égard d’un canon qui pourrait être esthétique. Sur le plan stylistique, on exploitera la catégorie forgée par Varchi dans l’Ercolano, celle des « idioti non letterati » permettant de circonscrire un nouveau profil socio-culturel d’écrivain, maîtrisant la langue, mais non les lettres.
Dramaturgies italiennes
Rresponsable : Andrea Fabiano
Le premier champ d’exploration sera l’étude de la condition des hommes et des femmes de théâtre, en particulier des comici dell’arte. Une deuxième approche, liée à la première, se focalisera surtout sur la confrontation des hommes et des femmes qui migrent de l’Italie vers la France avec de nouveaux espaces d’expérience et de nouveaux horizons d’attente. Cette focalisation permettra de faire émerger le rapport que le théâtre entretient avec le pouvoir politique et culturel dominant. Un troisième parcours concernera la dramaturgie du visible. Nous travaillerons sur la notion de ‘montrabilité’ dans ses relations avec l’opsis aristotélicienne, les procédés ekphrastiques appliqués aux Arts du spectacle et au Cinéma ainsi qu’aux changements des horizons d’attente dans le passage de la Modernité à la Contemporanéité.
Ruptures et hybridations dans la culture italienne contemporaine. Pour une généalogie de la « Bioesthétique »
Responsable : Davide Luglio
Nous voulons réfléchir sur l’évolution que connaissent les formes artistiques et leur renouvellement de plus en plus accéléré à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle et tout au long du XXe siècle à partir de l’émergence et de l’affirmation d’une époque marquée par cette nouvelle forme de gouvernementalité et de pouvoir qu’est la biopolitique. Le questionnement qui guidera notre analyse des formes d’hybridation et transgression des codes et des langages est la nécessité de refondation du langage poétique et la recherche de formes toujours renouvelées d’expressivité comme principe directeur de l’activité artistique.
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